Le 19 août 2019, une déclaration de la puissante Business Rountable, faisait grand bruit dans le monde économique et financier. Plus question pour les entreprises de satisfaire aux seules exigences et profit des actionnaires : l’heure était désormais à une entreprise soucieuse de l’ensemble de ses parties prenantes, de ses employés aux fournisseurs, en passant bien entendus par ses clients, assuraient ainsi 181 PDG de multinationales. À la suite de cette déclaration, le forum économique mondial de Davos et Larry Fink, le puissant patron du géant de la gestion d’actifs BlackRock, prendront des positions similaires. Un an plus tard, plusieurs instituts de recherche ont passé les promesses au crible de la réalité. Et celle-ci reste plus que mitigée.
Une certaine pro-activité face à la crise
L’organisation Just Capital qui travaille sur le capitalisme responsable, s’est ainsi penchée sur la façon dont les quelque 200 entreprises signataires avaient agi depuis la déclaration et comment cela s’alignait avec les attentes des Américains. C’est notamment leur comportement envers leurs employés face à la crise de la Covid-19 qui a été évalué (rémunération, prise en charge des malades et de leurs proches, primes de risques…) mais aussi envers leurs clients et la communauté (notamment au regard des inégalités ethniques et sociales)."Globalement, les signataires de la Business Rountable ont plutôt bien répondu en adoptant un comportement proactif par rapport aux entreprises du Russel 1000 (soit les 1000 plus grosses capitalisations américaines)", souligne l’organisme.
Mais les écarts entre les différentes thématiques sont importants : dans la pure tradition de la RSE à l’américaine, 71 % des entreprises signataires ont fait des donations aux communautés les plus vulnérables au virus. Mais moins d’un tiers ont aidé financièrement leurs employés mobilisés pendant la crise, dont seulement 9 % avec une prime de risque ou aune augmentation de salaire. Si elles y ont gagné un crédit réputationnel, leurs actions restent loin des attentes. Ainsi selon un sondage réalisé par la même organisation, seulement 47 % des Américains pensent que les entreprises ont un impact positif sur leur bien-être financier.
…mais sans bouleversement stratégique
Surtout, dans les faits, les bémols aux déclarations d’action des entreprises de la Business Roundtable sont nombreux. Selon une étude réalisée par la London School of Economics et Columbia (mai 2020), les signataires de la déclaration ont tendance à avoir des taux plus élevés de violations du droit de l’environnement et du travail (notamment face à l’épidémie), et à payer des sanctions plus élevées que leurs pairs non-signataires. Ils dépensent également plus en lobbying.
D’autres chercheurs de la Harvard Law School, par ailleurs très critiques envers le concept même de "capitalisme des parties prenantes", ont cherché à savoir si les PDG signataires s’étaient penchés sur la gouvernance. D’abord en leur demandant s’ils avaient impliqué leur conseil d’administration. Ce qui n’a été fait qu’à la marge (une entreprise sur les 48 répondantes à leur questionnaire). Dommage car cela aurait signifié l’intention d’un changement majeur de politique, puisque ceux-ci ne peuvent être faits que par un conseil, précisent-ils.
D’autre part, les chercheurs se sont intéressés à la rémunération des PDG. Or parmi les 20 PDG du conseil d’administration de la Business Roundtable, seulement trois ont une prime liée, modestement, à la gestion durable de la valeur pour les parties prenantes. La déclaration de la Business Rountable s’apparente donc davantage à une action de relation publique qu’à un réel changement stratégique, concluent-ils.
Enfin, la Business Roundtable a fait pression devant l’autorité des marchés américaine, la Securities and Exchange Commission, pour imposer des obstacles aux résolutions d’actionnaires lors des assemblées générales annuelles, en particulier lorsqu’elles concernent des questions ESG (environnemental, social et gouvernance).
Béatrice Héraud @beatriceheraud
Publié le 26 août 2020
Il y a un an, les multinationales de la puissante association de lobbying américaine Business Roundtable appelaient à un "capitalisme des parties prenantes", mettant au second plan la seule maximisation du profit pour les actionnaires. Mais ont-elles réellement mis leur promesse en œuvre ? Pas suffisamment, constatent plusieurs instituts de recherche.
Découvrir gratuitement
l'univers Novethic
- 2 newsletters hebdomadaires
- Alertes quotidiennes
- Etudes