Publié le 02 janvier 2020
FINANCE DURABLE
Réforme des retraites : la promotion du patron français de BlackRock au rang d'officier de la Légion d'honneur passe mal
Le spectre de la retraite par capitalisation refait son apparition. BlackRock, plus grand gérant d’actifs au monde, est ciblé par plusieurs articles de presse comme l’un des artisans de cette réforme. La multinationale américaine s’intéresse en effet de près à l’épargne retraite des Français, comme tous les gérants d’actifs. Mais la nomination du patron français, Jean-François Cirelli, au rang d’officier de la légion d’honneur tombe mal.

@Guillot/AFP
[Mis à jour le 2 janvier 2020] Dans la liste des promus à la légion d’honneur du 1er janvier 2020, on trouve Jean-François Cirelli, ancien dirigeant de GDF-SUEZ, puis d’Engie, et actuel président de la branche française de BlackRock. Il a été nommé sur le contingent du Premier ministre. L’annonce a surpris et même indigné certains alors que la grève sur les retraites dure depuis presqu’un mois.
Le géant américain de la finance, BlackRock, est soupçonné d’avoir activement participé à la réforme. Plusieurs médias ont ainsi pointé du doigt l’intérêt du plus grand gestionnaire d’actifs au monde pour l’épargne retraite des Français alors que les dirigeants de BlackRock, dont le PDG Larry Fink, ont rencontré Emmanuel Macron et d’autres représentants du gouvernement.
Le risque serait que le système français de retraite par répartition, dans lequel chaque salarié cotise pour payer les pensions des retraités, ne soit transformé progressivement en un système de retraite par capitalisation, dans lequel les salariés cotisent dans des fonds qui leur reversent une pension au moment de la retraite. "En aucune manière nous n'avons cherché à exercer une influence sur la réforme du système de retraite par répartition en cours auprès des pouvoirs publics ou de tout autre acteur du secteur", se défend le gérant d'actifs américain dans un communiqué.
Convoitises sur le PER
BlackRock s’intéresse néanmoins de près à l’épargne retraite privée des Français. Le plus grand gérant d’actifs au monde l’a même écrit dans une note intitulée "Loi Pacte : le bon plan retraite", rédigée par son équipe locale. La France représente en effet l’un des plus gros marchés d’épargne européens, avec près de 5 000 milliards d’euros d’encours, placés en grande partie dans des produits d’assurance-vie (1 700 milliards d’euros).
L’épargne retraite, qui représente une forme volontaire de retraite par capitalisation, ne représente qu’une petite partie de l’épargne totale, environ 230 milliards d’euros. C’est cette partie de la retraite des Français qui suscite les convoitises de BlackRock, de même que celles de tous les gérants d’actifs français. D’autant que le gouvernement, dans la loi Pacte, a décidé de donner un coup de pouce à cette épargne retraite.
La loi Pacte a en effet simplifié les nombreux dispositifs existants (PERP, PERE, Perco, etc.), qui existent depuis le début des années 2000. Ils ont été refondus dans un système unique, le Plan d’Épargne Retraite (PER), qui sera collectif (en entreprise) ou individuel. Plus simple, plus attractif fiscalement, l’ambition du gouvernement est de porter les encours à 300 milliards d’euros d’ici 2022.
Ce PER devrait notamment bénéficier de la réforme des retraites actuelles. Celle-ci prévoit de plafonner les cotisations pour les hauts salaires. Le pari est qu'ils seront incités à épargner en partie pour préserver leur niveau de vie à la retraite, via le PER. Reste que le système français traditionnel, par répartition, ne devrait pas être menacé par ces changements. Le gouvernement prévoit ainsi de maintenir les dépenses de retraite à 14 % du PIB dans les années à venir, et non de la réduire, malgré le vieillissement de la population.
Arnaud Dumas, @ADumas5