Publié le 01 mars 2021
ENTREPRISES RESPONSABLES
Avec 280 millions de dollars en 2020, le patron de Google se hisse en tête du classement des PDG américains surpayés
Les patrons des grandes firmes américaines ne connaissent pas la crise. Dans son étude annuelle sur les 100 dirigeants d’entreprises américaines trop payés, l’ONG As You Sow montre que les PDG continuent d’engranger de belles rémunérations, Sundar Pichai, d’Alphabet, en tête. Les écarts de rémunération avec les salariés restent également toujours aussi élevés. Dans un contexte de crise sanitaire qui accentue les inégalités sociales, ce cocktail risque de se révéler explosif.

@CCO
"La rémunération du premier sur la liste a de quoi faire écarquiller les yeux : 280 millions de dollars en un an !", s’alarme Rosanna Landis Weaver, la directrice du programme sur les rémunérations de l’ONG américaine As You Sow. Celle-ci vient de publier son palmarès annuel sur les 100 PDG les plus surpayés ("100 most overpaid CEOs"), qui montre que les dirigeants de grands groupes américains continuent de se rémunérer grassement.
C’est Sundar Pichai, le directeur général d’Alphabet, la maison-mère de Google, qui obtient la palme du patron le plus surpayé cette année. Il détrône Mark Hurd et Safra Catz, les dirigeants de la firme informatique Oracle et premiers de la liste l’année dernière, qui n’avaient touché "que" 216 millions de dollars à eux deux. À titre de comparaison, le dirigeant d’une entreprise du CAC 40 le mieux payé en France est Bernard Charlès, dirigeant de Dassault Système, qui a perçu 24,7 millions d’euros de rémunération en 2019 selon le cabinet Proxinvest.
Les rémunérations record des dirigeants américains inquiètent particulièrement As You Sow dans le contexte de crise sanitaire, qui a tendance à accroître les inégalités. Certaines entreprises incluses dans la liste des 100 dirigeants surpayés, présentent ainsi des salaires médians de leurs employés particulièrement faibles. C’est le cas de VF Corporation, une entreprise d’habillement (Napapijri, Vans, Timberand, etc.), dont le salaire médian annuel se situe à 10 099 dollars. "Cela signifie que la moitié des employés sont payés moins que cela, s’alarme Rosanna Landis Weaver. Il y a certes beaucoup de travailleurs à temps partiel, mais c’est malgré tout très faible". D’autant que ces chiffres datent d’avant la crise sanitaire et la représentante de l’ONG craint qu’ils ne se détériorent encore cette année.
Des écarts de rémunération exorbitants
Les écarts de rémunération entre les PDG et leurs salariés sont également particulièrement élevés aux États-Unis. Dans plusieurs entreprises, le dirigeant est payé plus de mille fois le salaire médian des employés. C’est le cas notamment d’Alphabet, de Kraft Heinz et de VF Corporation. Le cabinet Proxinvest conseille de demander des comptes à l’entreprise quand le ratio d’équité entre le la rémunération du dirigeant et le salaire médian dépasse 100.
As You Sow veut cependant croire qu’il y aura cette année un réveil de la part des actionnaires de ces entreprises, en raison de la pandémie de Covid-19. Pour l’ONG, ceux-ci devraient de moins en moins accepter et voter contre les rémunérations exorbitantes en assemblée générale, notamment pour éviter le risque de division sociale. Robert Reich, professeur d’économie et ancien ministre du Travail de l’administration de Bill Clinton dans les années 90, s’alarme du fait que ces écarts de rémunération portent atteinte à la démocratie, la concentration de richesses et l’augmentation des inégalités se traduisant par la création d’une forme d’oligarchie.
"La vraie division n’est pas entre démocrates et républicains, déclare-t-il en commentaire de l’étude d’As You Sow. La vraie division, c’est celle entre la démocratie et l’oligarchie. On se dirige vers une oligarchie en ce moment, avec non seulement une concentration des richesses dans les mains de quelques-uns, mais aussi une concentration du pouvoir économique et du pouvoir politique". Selon lui, il est de la responsabilité des investisseurs, des entreprises et des PDG d’œuvrer à la fois en faveur d’une gouvernance plus démocratique, mais aussi d’une plus grande égalité des chances pour tous.
Arnaud Dumas, @ADumas5