Supply chain : comment analyser les réponses des candidats à la présidentielle?
La semaine dernière, nous avons publié les réponses que nous ont envoyées les candidats à la présidentielle concernant les enjeux RSE de la supply chain. Cette semaine, nous donnons la parole aux acteurs de la responsabilité sociale des entreprises : 2 directeurs développement durable, l’un d’une grande entreprise, l’autre d’une PME, ainsi qu’une directrice d’ONG spécialisée sur ce sujet nous donnent leur point de vue sur les réponses des candidats et leur compréhension du sujet.

Eric Feferberg / Pool / AFP
1 emploi sur 5 dans le monde est lié à une chaîne d’approvisionnement. Dans l’économie réelle, 60% des échanges commerciaux sont dépendants des supply chain des multinationales. Or ce modèle dominant et de plus en plus complexe présente des risques économiques (délocalisation, concurrence déloyale), environnementaux (pollution) et surtout sociaux (travail forcé, conditions de travail indécentes).
Alors que la campagne présidentielle bat son plein, Novethic a sollicité les candidats sur ce thème. Nous les avons interrogés sur leur compréhension des enjeux, le rôle que pouvait jouer l’État dans l’amélioration des pratiques et la réglementation qu’ils estiment adaptée à ces problématiques. 22 d’entre eux ont déjà répondu à nos sollicitations : leurs réponses sont à lire ici.
Nous avons enfin voulu savoir comment les acteurs de la RSE, qui suivent ces sujets au quotidien jugent les réponses des politiques.
Un sujet compris par les politiques
Pour ces experts de la RSE – Fabrice Bonnifet directeur développement durable (DD) du groupe Bouygues ; Marc Jacouton, directeur DD de Cepovett ; et Martine Combemale, directrice de Ressources humaines sans frontières (RHSF), les candidats ont bien compris la complexité de la supply chain et de ses enjeux. Ils ont assimilé que "ces questions devaient être traitées au niveau de l'État et dans un cadre européen pour avoir un véritable impact", souligne Martine Combemale.
Mais peu d’entre eux ont une réelle connaissance des normes en vigueur et même des lois en cours de discussion estime ces spécialistes. Ils soulignent le fait que la proposition sur le devoir de vigilance, un texte sur lequel le Parlement n’arrive pas à s’entendre, n'est ainsi que rarement cité.
Mais comme le rappelle Fabrice Bonnifet, "le sujet n’est pas d’avoir compris, mais bien de proposer des idées pour mieux répondre à cet enjeu".
Des propositions timides
Certaines propositions des candidats vont dans le bons sens. Par exemple, exiger des certifications reconnues à ses fournisseurs, harmoniser la fiscalité et certaines normes sociales au niveau européen, utiliser la commande publique pour pousser les entreprises à agir ou encore élargir le rôle des CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) à la supply chain.
Mais la plupart des propositions restent timides. Elles se placent aussi souvent du point de vue des grandes entreprises en oubliant les PME-ETI, regrette de son côté Marc Jacouton. Or, "le devoir de vigilance et le principe de précaution dans la chaîne d’approvisionnement sont de nouvelles opportunités pour les PME-ETI françaises au service de leur compétitivité", tient-t-il à préciser.
Le débat non tranché de la réglementation
Faut-il pour autant une nouvelle loi pour encadrer et sanctionner les pratiques des entreprises les moins vertueuses ? Les candidats, dans leur grande majorité, ne le souhaitent pas. Les experts que nous avons interrogés sont quant à eux plus nuancés.
En tant que directrice d’ONG accompagnant sur le terrain les entreprises, mais aussi en tant qu’ancienne auditrice, Martine Combemale estime que "l’engagement volontaire, sans guide, n’a pas fait ses preuves" et que "les candidats devraient s’engager pour prévenir et encadrer ce devoir de diligence avec des actes clairs pour prévenir les risques", tels que le fait de cartographier la chaîne de sous-traitance, des cartes de risques et de parties prenantes.
Pour Marc Jacouton en revanche, la "soft law" doit primer, notamment pour les plus petites entreprises.
Quant à Fabrice Bonnifet, il assure que les règles existantes ne sont pas respectées et "qu’un net durcissement des sanctions serait plus efficace auprès des donneurs d’ordre peu scrupuleux".