Publié le 02 novembre 2016
FINANCE DURABLE
Climat : la finance verte rassemble ses forces
À quelques jours de la COP22, le mouvement des investisseurs mobilisés sur le climat continue à s’étendre. Alors que les initiatives se multiplient, la finance verte est devenue un sujet de compétition entre places financières. Les ONG, de leur côté, ne désarment pas et continuent de mettre la pression sur les acteurs financiers. La France espère conserver le leadership acquis à travers les évènements organisés dans le cadre de la COP21 en 2015 et l’adoption de l’article 173 de la loi TEE sur le reporting climatique des investisseurs, en mobilisant sa place financière. Revue de détail.

Paris Europlace
La finance est l’un des rares secteurs où les acteurs sont de plus en plus nombreux à comprendre que le changement climatique a des impacts concrets sur leur activité, en particulier sur le prix du risque. Le financement de l’économie verte peut s’avérer beaucoup plus rentable que la détention d’actifs dévalorisés, comme les centrales à charbon. C’est pourquoi les initiatives se multiplient.
1. La Place financière de Paris se pare de vert avec une initiative "Finance verte et durable".
Une initiative à laquelle participent l’ensemble des acteurs de l’industrie financière : entreprises, investisseurs, banques et sociétés financières, assureurs, associations professionnelles et autorités publiques.
Paris Europlace fait 15 propositions dans un rapport publié le 2 novembre, fruit d’un travail collectif coordonné par Philippe Zaouati, Directeur général de Mirova. "Ce rapport est destiné à travailler sur nos forces pour développer une spécificité de la place de Paris. Nous avons un éco-système complet, qui réunit des acteurs publics et privés et des régulateurs. Nous devons travailler ensemble pour gagner en visibilité internationale."
C’est ainsi que, parmi les idées avancées, on trouve la création d’un indice mondial des places financières vertes, une initiative dite Carbon Disclosure pour faire rayonner l’article 173 de la loi TEE, ou encore la création d’une marque sous l’égide de laquelle se déroulerait chaque année un Climate Finance Day dans le pays d’accueil de la COP.
L’éventail de mesures est vaste et elles nécessiteront des moyens dont ne dispose pas aujourd’hui Paris Europlace. Mais les membres de ce mouvement pourraient apporter les financements nécessaires. Le rapport fixe haut la barre verte. "Les propositions forment un plan d’ensemble, mais la recherche de synergies avec d’autres places européennes ou la priorisation de la finance verte et durable dans la recherche et l’innovation sont sans doute les axes les plus ambitieux", résume Philippe Zaouati.
La Place de Paris veut affirmer sa différence vis-à-vis des autres places positionnées sur la finance verte, comme Luxembourg et Londres, en mettant l’accent sur la qualité de son filtrage, qui permet de limiter le Greenwashing lié à des engagements non suivis d’effets. Elle invite aussi les ONG à participer à son initiative, dont elle espère qu’elle va entrainer la mobilisation la plus large possible.
2. La seconde édition du Climate Finance Day est organisée à Casablanca le 4 novembre, 3 jours avant l’ouverture de la COP22.
Destiné à la planète financière internationale, cet événement met l’accent sur la mobilisation des flux financiers pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Il doit permettre de voir jusqu’où les engagements pris dans le cadre de la COP21 ont conduit à réorienter les flux financiers vers le verdissement de l’économie.
La Place financière de Casablanca, qui organise la journée en partenariat avec Paris Europlace, a voulu mettre l’accent sur la transition vers une économie bas carbone en Afrique et la dimension énergétique. Ce rendez-vous est d’autant plus attendu que la première édition, organisée en mai 2015 à Paris par Paris Europlace et la Caisse des dépôts, à l’Unesco, avait rassemblé plus de 1000 participants et montré l’ampleur des changements en cours dans le secteur financier.
3. Le site FossilFreeFunds.org met à disposition l’empreinte carbone de 6500 fonds dans lesquels sont investis plus de 11 000 milliards de dollars.
Cette base de données en ligne a été lancée par l’ONG américaine As You Sow pour pousser les épargnants à "libérer leurs économies des énergies fossiles". Avec cette opération, réalisée en partenariat avec South Pole et Your SRI, elle montre que des grosses sociétés de gestion qui ont pris des engagements sur le climat proposent toujours des produits financiers dont l’empreinte carbone est très élevée, parce qu’ils détiennent des actions de grands producteurs pétroliers et d’autres entreprises tout aussi carbo intensives.
Elle met aussi en valeur une offre modeste (une soixantaine de fonds d’investissement responsable), qui ont de très faibles empreintes carbone. "Changer de placement, c’est le meilleur moyen d’éviter le risque carbone, qui peut coûter cher en termes de performance financière aussi", explique Andrew Montes, Directeur des stratégies digitales de As You Sow.
L’objectif de la campagne est de donner la parole aux épargnants individuels : "Si les investisseurs le demandent, les grands gestionnaires d’actifs vont progressivement se détourner des entreprises les plus carbo-intensives et investir dans l’économie bas carbone."
4. Deux livres indispensables pour décoder le mouvement de la finance verte.
Pour mieux comprendre ce mouvement sans précédent au sein de la finance, ce qu’il faut en attendre et quelles sont les actions à encourager, il est très utile de lire les livres publiés par deux des meilleurs experts français.
Pierre Ducret et Maria Scolan ont co-écrit aux Éditions Petits Matins "Climat, un défi pour la finance". Le livre fait le récit de "la prise de conscience de l’enjeu climatique par l’univers de la finance", décrit et explique les leviers dont dispose le secteur et trace les perspectives de la généralisation de la finance climat, qui gagne du terrain mais reste encore cantonnée à une place modeste.
Alain Grandjean a co-écrit avec Mireille Martini "Financer la transition énergétique". Polytechnicien, économiste, fondateur et associé de Carbone 4, co-auteur avec Pascal Canfin du rapport "Mobiliser les financements pour le climat" en juin 2015 et associé aux propositions pour relancer le prix du carbone, Alain Grandjean explique dans le livre quels leviers doivent être actionnés pour mobiliser les ressources financières nécessaires à la décarbonation de l’économie et à la construction d’infrastructures diminuant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère partout dans le monde.