Publié le 14 mars 2016

ÉNERGIE

Hydrogène cherche énergies renouvelables pour assurer transition énergétique

C’est un gaz que l’on connaît depuis presque deux siècles, mais dont les vertus en matière énergétique sont encore largement sous-exploitées. Avec une consommation mondiale de 60 millions de tonnes par an, l’hydrogène représente moins de 2% de la consommation mondiale d’énergie. Il apparaît pourtant comme un véritable allié pour le déploiement des énergies renouvelables, en mal de solutions de stockage.

Photo d'illustration.
iStock.

A la conquête de l’hydrogène. Le gouvernement travaille sur un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par l’hydrogène décarboné. Il a jusqu’au 18 août pour remettre sa copie au parlement, conformément à l’article 121 de la loi de transition énergétique.

Jusqu’ici oublié de la transition énergétique, l’hydrogène se place désormais en bonne place au rang des solutions. "L’année 2015 a été exceptionnelle, elle a été l’année du démarrage", se réjouit Régis Saadi, directeur des affaires publiques d’Air Liquide France, pendant les journées Hyvolution, qui se sont tenues à Paris début février. Le groupe, l’un des principaux producteurs d’hydrogène, développe des stations de recharge hydrogène pour les chariots élévateurs, voitures et bus. Les années à venir promettent une accélération du mouvement. 

Découvert en 1839, l’hydrogène n’était jusqu’ici utilisé que dans l’industrie comme composant chimique. Il est désormais loué pour ses qualités de vecteur énergétique. L’Ademe lui a même un consacré un avis, favorable : "L’hydrogène, produit à partir de ressources renouvelables, peut apporter une contribution importante à la transition vers un modèle énergétique décarbonaté, publie-t-elle ainsi dans un rapport du 4 février dernier. Il peut participer à l’optimisation des ressources énergétiques d’un territoire, favoriser l’électromobilité et le recours aux énergies renouvelables." 

 

L’hydrogène pour le chauffage et le transport 

 

Comment ? Via le "power to gas", une technique qui consiste à convertir l’électricité en gaz. Plus précisément, l’électricité est utilisée pour transformer de l’eau en hydrogène par électrolyse. Cette technique est particulièrement pertinente dans le cas des énergies renouvelables dont la production par intermittence nécessite des solutions de stockage et de valorisation.

Ainsi, l’électricité produite par une éolienne ou un panneau solaire peut être transformée en hydrogène, qui peut ensuite être injecté dans les réseaux de distribution du gaz. De quoi éviter le gaspillage des surplus d’électricité à partir d’énergies renouvelables. 

Chauffer un quartier et faire rouler des bus à partir d’hydrogène renouvelable seront ainsi bientôt une réalité à Dunkerque. Le projet GRHYD (Gestion des réseaux par l'injection d'hydrogène pour décarboner les énergies), porté par Engie depuis deux ans, va convertir l’énergie éolienne en hydrogène. Directement injecté dans le réseau de distribution de gaz (dans une proportion limitée à 20%), il va permettre de répondre aux besoins en chauffage et eau chaude de 100 logements dès mars 2017. Cet hydrogène, mélangé à du gaz naturel, va aussi pouvoir alimenter une flotte de 50 bus roulant au gaz. 

Un autre démonstrateur, Jupiter 1000, lancé pendant la COP21 par GRT-Gaz, est installé sur le port industriel de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône. Ici, l’objectif est de produire du méthane de synthèse, un équivalent du gaz naturel. C’est une autre façon de valoriser l’hydrogène en chaleur. Issu des surproductions d’électricité dues aux énergies renouvelables, l’hydrogène est couplé à du CO2 capté sur un site industriel voisin. Le méthane ainsi formé est injecté dans le réseau gazier, sans aucune restriction de volume. Le projet devrait entrer en service en 2018 et est doté d’une puissance de 1 mégawatt/heure électrique (MWe). 

Ces deux projets sont des expérimentations. Pour l’instant, la majorité de l’hydrogène utilisé en France provient encore à 98% d’énergies fossiles. Or, tout l’intérêt dans un objectif de transition énergétique est bien qu’il soit produit à partir d’énergies renouvelables.

 

25 TWhe d’énergie renouvelable valorisable d’ici 2050 

 

"Les énergies renouvelables sont notre principal allié, témoigne Pascal Mauberger, le président de l’Afhypac (Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible). Nous sommes face à un changement de paradigme drastique : nous passons d‘une production d’énergie en fonction de la demande à une production décentralisée en fonction de facteurs climatiques. L’hydrogène est une solution pour mieux valoriser ces énergies et les intégrer au système énergétique." 

Selon une étude réalisée par E-Cube, c’est un surplus de 75 TWhe d’électricité qui pourrait être disponible à l’horizon 2050, dû à l’expansion des énergies renouvelables. "Même en utilisant tous les moyens disponibles (stockages traditionnels, stations de pompage hydraulique, gestion de la demande grâce aux smart grids, exportation éventuelle vers les pays voisins), il subsiste de l’ordre de 25 TWhe d’électricité à valoriser. Ce surplus résiduel d’électricité peut être valorisé en transformant l’électricité en hydrogène par électrolyse".

Par ailleurs, étant donné que c’est la production massive d’électricité à partir d’énergies renouvelables (éolienne, solaire) qui entraîne le recours au "power to gas" afin de valoriser les excédents éventuels, "cette technologie n’apparait nécessaire que lorsque l’électricité d’origine renouvelable variable atteint une part de l’ordre de 40 à 50% dans le mix de production électrique", affirment les auteurs du document. 

L’hydrogène se développe ainsi principalement sur les marchés précurseurs, comme le Japon ou l’Allemagne. Dans l’archipel, 100 000 foyers se chauffent déjà grâce au "power to gas". En Europe, l’Allemagne tire son épingle du jeu avec 25 projets de ce type, sur une cinquantaine dans le monde. Le pays, qui a développé massivement les énergies renouvelables, est en effet confronté à des enjeux d’équilibre entre l’offre et la demande sur le réseau électrique.

Concepcion Alvarez
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