Dans leur course à la "neutralité carbone" des portefeuilles, les grands investisseurs européens ont de
plus en plus recours aux pratiques d’exclusion et de désinvestissement. D’abord concentrées sur le
charbon, les pratiques d’exclusion d'entreprise liées aux énergies fossiles s’étendent désormais aux
sous-secteurs du gaz et du pétrole, allant même jusqu’à l’exclusion totale au nord de l'Europe.
L'étude Novethic intitulée « Exclusion des énergies fossiles : les investisseurs prêts à changer de
moteur ? » dresse un panorama des principales stratégies d’exclusion et souligne leurs limites en
matière de réduction effective des émissions de gaz à effet de serre. Elle permet de comprendre
l'apport des initiatives collaboratives, comme la Net-Zero Asset Owner Alliance ou la Science Based
Targets Initiative, pour définir les « trajectoires carbone » des portefeuilles d'investissement et les leviers
d’action possibles.
Novethic a répertorié les 5 approches les plus répandues dont les conséquences sur les portefeuilles s’appréhendent en analysant les cadres techniques et scientifiques de leur mise en œuvre :
Les cadres d’alignement des portefeuilles sur l’objectif de l'Accord de Paris, comme celui de l’initiative Science Based Targets ou de l’un des indices lancés par la Commission dans le cadre de son plan d’action sur la finance durable (Paris-Aligned Benchmark), intègrent tous des démarches d’exclusion dont le niveau et l’intensité varient.
Les règles d’exclusion de l’indice PAB (% du chiffre d’affaires pour chaque entreprise) sont les suivantes :
Faire baisser l’empreinte carbone de leurs portefeuilles est à la portée de beaucoup d’investisseurs. Il peut suffire de désinvestir les 5% d’émetteurs les plus carbo-intensifs pour réduire l’intensité carbone de leur portefeuille de 41% ! L’étape suivante consiste à définir des politiques sectorielles qui excluent les entreprises dont le niveau d’exposition aux énergies fossiles est trop élevé pour être compatible avec l’Accord de Paris. Mais ces stratégies d’exclusion peuvent avoir un impact limité sur la réduction effective des émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi certains acteurs privilégient l’engagement actionnarial qui suppose de rester actionnaire des entreprises sur lesquelles on veut faire pression. Les adeptes de cette stratégie peuvent malgré tout en arriver à l’exclusion via la mise sur liste noire des entreprises dont il a été impossible d’obtenir une politique respectueuse du climat.
Source : Novethic
L’analyse approfondie de listes d’exclusion publiées par 30 investisseurs essentiellement d’Europe du Nord, a permis à Novethic d’établir le tableau des entreprises du secteur des énergies fossiles les plus exclues ci-dessus.
Pour mieux comprendre comment s’articulent les stratégies d’exclusion et les pressions exercées sur les entreprises, Novethic a montré la diversité des pratiques d’exclusion sur trois entreprises emblématiques : la compagnie pétrolière Exxon, l’énergéticien allemand RWE et l'opérateur canadien des pipelines, Enbridge.
Source : Novethic
L’Accord de Paris a jeté une ombre grandissante sur les perspectives financières, d’ores et déjà intégrée en partie par les marchés financiers qui ont tendance à limiter leur exposition aux risques de dépréciation.
Le think tank Carbon Tracker Initiative a constaté que la part du marché secondaire dans les ventes d'actions du secteur Oil & Gas est passée de 6 à 78% entre 2016 et 2019.
L’exclusion est une pratique qui monte. Elle est au cœur des débats puisqu’elle est non seulement utilisée par les investisseurs pour limiter leur exposition à des risques financiers et climatiques mais elle est aussi contestée sur son efficacité en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Elle peut même être qualifiée d’écoblanchiment (« reverse Greenwashing ») par ses détracteurs. Quoi qu’il en en soit, elle s’impose progressivement comme une pratique de gestion financière utilisée de façon différente par les investisseurs qui ont pris des engagements climatiques.