Publié le 30 avril 2014
SOCIAL
Plainte contre Auchan : changer le droit sur la responsabilité des multinationales
Sherpa, Peuples Solidaires et le Collectif sur l’étiquette ont porté plainte contre le groupe Auchan pour publicité mensongère. Ces 3 associations l’accusent d’induire les consommateurs en erreur en affichant une identité de "discounter responsable" alors que des étiquettes de sa marque ont été retrouvé dans les décombres du Rana Plaza. Si la justice leur donne raison, les grands groupes pourraient devenir légalement comptable de leur engagements éthiques.

"C’est une première" explique Sandra Cossard de Sherpa. "Nous avons déposé une plainte en France contre un grand distributeur pour un drame qui s’est joué à l’autre bout du monde". Sherpa avec deux autres organisations non-gouvernementales (ONG), Peuples solidaires et le Collectif sur l’étiquette, a décidé d’utiliser le code de la consommation qui condamne des allégations ou des présentations de nature à induire en erreur les consommateurs.
"Auchan met en avant une identité de discounter responsable. Nous l’estimons fallacieuse puisque le groupe ne maitrise pas sa chaine de sous-traitance" détaille Sandra Cossard. "Ses étiquettes ont été retrouvées dans le Rana PLaza. Or même si le distributeur affirme avoir été tenu dans l’ignorance de cette sous-traitance non déclarée, cela ne le dédouane en rien de sa responsabilité dans le drame. Ni de son obligation de contribuer à l’indemnisation des victimes".
Auchan décline toute responsabilité dans l'effondrement du Rana Plaza
Auchan affirme n’avoir jamais passé de commande aux entreprises présentes dans cet immeuble de Dacca, au Bangladesh. Si le groupe se refuse à commenter la plainte, il met en avant les mesures prises après le drame du Rana Plaza. Il a signé l’accord portant sur la mise aux normes de sécurité des bâtiments dédiés au textile au Bangladesh, dès mai 2013, et mis en place, quelques mois plus tard et de son propre chef, un plan d’action contre la sous-traitance non déclarée. Le premier bilan de ce plan d’action, réalisé en avril 2014, dresse une liste de huit axes d’amélioration dont la création d’un portail Internet pour que les sous-traitants déclarent leur site de fabrication au plus tard 24 h avant le début de la production.
Sur son refus de souscrire au fonds d’indemnisation des victimes au Bangladesh, Auchan s’explique ainsi : "Dans le drame du Rana Plaza, aucun lien direct ou indirect n’existe entre Auchan et les entreprises du site. Auchan, n’ayant jamais passé commande aux entreprises du Rana Plaza, n’a pas de responsabilité dans l’effondrement du bâtiment".
Le précédent Samsung
Or démonter l’écheveau complexe des responsabilités juridiques entre filiales et sous-traitants, c’est l’ambition de cette plainte de trente pages dont les ONG espèrent qu’elle va aboutir à une enquête préliminaire. "Nous avons utilisé le seul argument juridique que nous avions dans le droit français" détaille Sandra Cossard. "Mais cela n’aide en rien à indemniser les victimes. C’est pourquoi il faut une loi sur le devoir de vigilance des maisons mères comme celle que nous soutenons".
Si les juges français estiment qu’Auchan trompe les consommateurs, ils donneront une nouvelle consistance aux codes éthiques mis en avant par les grandes entreprises. Des engagements dont elles deviendraient comptables pour toute leur chaine de fabrication. Des violations flagrantes de ces codes éthiques risqueraient alors de provoquer leur condamnation.
Un scénario loin d’être irréaliste au regard de l’expérience vécue actuellement par le groupe Samsung. Une enquête a été ouverte à la suite d’une plainte d’une ONG sur les violations de son code éthique dans ses usines chinoises.
Actualisation (30 mai) :
A la suite de la plainté déposée par les associations, le parquet de Lille a ouvert, le 26 mai, une enquête préliminaire.