Publié le 22 avril 2014
SOCIAL
Brésil : l’agroécologie pour sortir de la pauvreté
Dans l’Est du Brésil, l’association Esplar et le gouvernement misent depuis plus de dix ans sur l’agriculture bio et familiale pour sortir la population de la pauvreté. Une stratégie gagnante symbolisée en 2005 par l’implantation sur place de Veja, une marque française de tennis et accessoires équitables. Reportage dans la petite communauté de Riacho do Meio.

© Victor Roux-Goeken
Riacho do Meio ne se trouve qu’à 3 heures de route de Fortaleza, la grande cité maritime de la province du Ceara. Mais sur la terre ocre de cette région semi-désertique, c’est l’idée même de la mer qui semble lointaine. Le village abrite 72 familles d’agriculteurs. Depuis une dizaine d’année, la communauté a vu ses conditions de vie s’améliorer. Symboles de ce changement ? Des citernes financées par le gouvernement ont été installées dans chaque foyer. Elles sont indispensables aux familles en cas de sécheresses, aussi longues que fréquentes dans le Sertão semi-aride.
Francisco Antonio Maciel Dantas, dit Palito, a couvert son champ de bagana, une paille provenant de la carnaúba, l'arbre emblème du Ceara. Elle permet de préserver l’humidité de la terre et de limiter l’érosion. Petit élevage, miel, plantes médicinales, maïs, haricot, sésame, coton, etc. L’heure est à l’agroécologie et à la polyculture. Objectifs : diversifier les sources de revenus et d’alimentation. « Le Sertão est désormais un bon endroit pour vivre », affirme Francisco Edson Gomes Ferreiro, le président de la communauté.
L’agroécologie : le tournant des années 2000
Il n’en a pas toujours été ainsi. A la fin des années 70, « le Ceara était le deuxième Etat producteur de coton du Brésil », raconte l’ingénieur agronome Pedro Jorge Bezerra Ferreira Lima. « Avec 1,3 million d’hectares plantés à la fin des années 1970, le coton faisait la richesse de grands propriétaires ». 50% de la récolte était cédée au « patron », prix à payer pour exploiter la terre. L’autre moitié ne pouvait pas être revendue afin de ne pas concurrencer le propriétaire.
Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que Francisco Barbosa Maciel, un agriculteur aujourd’hui âgé de 66 ans, se voit attribuer la parcelle n°6 de la communauté. « J’ai commencé à travailler dans la plantation à l’âge de 8 ans, de 6 heures et demie du matin à 5 heures de l’après-midi », se souvient-il. A l’époque, il marche chaque jour 24 km aller-retour pour s’y rendre de chez lui.
Comme tous ses voisins de la communauté de Riacho do Meio, il se met à l’agroécologie au début des années 2000. Une conversion amorcée par l’organisation non gouvernementale (ONG) Esplar, pionnière dans le Ceara, cofondée en 1974 par Pedro Jorge Bezerra Ferreira Lima. L’ingénieur se rend compte que « le modèle conventionnel profitait à tous les intermédiaires sauf aux agriculteurs ». Lancées d’abord dans une communauté voisine, les expérimentations font rapidement florès. Avec le soutien du fonds international de développement agricole (Fida) www.ifad.org , dépendant des nations Unies. L’Etat brésilien suit en créant en 2001 une structure d’assistance technique à 15 000 familles de six Etats du Nordeste. Elle mise explicitement sur ce type d'agriculture pour sortir la population de la pauvreté.
De nouveaux débouchés avec Veja
La marque française de tennis Veja project.veja-store.com/coton/ n’est pas étrangère à ces changements. Les matières premières (coton, caoutchouc) du « chausseur équitable » proviennent essentiellement du Brésil. Dès sa création en 2005, l’entreprise devient cliente de la communauté, assurant les débouchés commerciaux qui manquaient tant aux paysans de la région. Elle paie le coton le double du prix du marché, soit 7,39 réais le kilo en 2013 (2,46 euros), détaille François-Ghislain Morillion. Déçu des promesses « vertes » des grandes entreprises, c’est avec Sébastien Kopp, son associé, qu’il fonde son entreprise afin de pouvoir lier avec succès leurs préoccupations sociales et environnementales, autour d'un produit symbole de l'exploitation du Sud par le Nord.
Une difficulté reste tout de même à surmonter : la production reste soumise aux caprices du climat. En 2013, deuxième année de sécheresse consécutive, seules cinq familles de la communauté ont été en mesure d’effectuer une récolte. Pour un résultat maigre de 572 kilos de coton seulement. Mais des aides gouvernementales existent, tels les plans canicule, dont le montant peut s’élever jusqu’à 750 réais (250 euros) par famille. « Le coton n’est qu’un revenu supplémentaire qui vient aider les familles », souligne le président de la communauté. « Elles doivent trouver d’autres sources de revenus pour vivre».