Publié le 29 juin 2017
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Cas d'école : comment la course aux bas coûts a été fatale au fabricant d'airbag Takata
Le numéro 2 mondial des airbags, le japonais Takata, met la clé sous la porte. Il est accusé d’avoir commercialisé des airbags défectueux ayant causé 16 décès et blessant 180 personnes. Le résultat d'une politique de bas coûts et d'une pression constante sur les salariés, en partie due aux exigences draconiennes des constructeurs.

C’est l’un des plus gros scandales de l’industrie automobile. Takata dépose le bilan à la suite de la commercialisation d'airbags défectueux ayant causé la mort de dizaine de personnes. 100 millions de véhicules, essentiellement des Honda, sont rappelés depuis des années partout dans le monde. Et cela devrait durer jusqu'en 2019. Le rappel le plus important de l'histoire automobile.
Takata laisse derrière lui 1 000 milliards de yens de dette, soit 8 milliards d’euros. Comment cet équipementier, sous-traitant des plus grands constructeurs (Honda, BMW, Fiat Chrysler, Toyota, Nissan, General Motors…) a pu en arriver là ?
Des airbags à bas coût… mais dangereux
Takata, spécialiste des ceintures de sécurité, est en perte de vitesse dans les années 90. Il se tourne alors vers la fabrication d’airbags pour traverser cette mauvaise passe. En 2000, il met au point un nouvel airbag, 30 % moins cher que ceux de ses concurrents. Pour cause : il est composé de nitrate d’ammonium. Un agent très instable dans des conditions météorologiques chaudes et humides.
Un des concurrents de Takata, l’équipementier suédois Autoliv avait d’ailleurs testé cette technologie. "Lorsque nous déclenchions l’airbag, il se détruisait. Il se transformait en éclats d’obus", se souvient un ingénieur d’Autoliv dans les colonnes du New York Times.
C’est ce qui est arrivé à une jeune américaine en 2009. Cette première victime recensée a été égorgée par les éclats métalliques projetés par l’explosion de son airbag. Pendant des années, la direction de Takata a nié sa responsabilité avant de reconnaître avoir dissimulé entre 2000 et 2015 l’existence d’un défaut majeur de ses airbags "susceptibles d’exploser inopinément en projetant des fragments".
De leur côté, les scientifiques d’Autoliv assurent avoir prévenu les constructeurs de la dangerosité des airbags nitrate d’ammonium. "Nous n’étions pas au courant des risques du nitrate d’ammonium dans les années 1990", se défend Matt Sloustch, porte-parole de Honda.
Les conditions de travail en cause
"La chasse aux coûts est la principale cause du scandale. Tout résulte de cette politique : la suspension des audits qualité dans l’usine mexicaine de Monclova qui assemblait les modèles d’airbag mis en cause, l’utilisation de nitrate d’ammonium mais aussi la pression sur les salariés", décrypte Harald Condé Piquer, analyste et responsable des formations "Risques ESG" au centre de Recherche de Novethic.
Une enquête, menée par l’agence Reuters, pointe effectivement des erreurs d’airbags mal soudés ou scellés par les travailleurs de l’usine mexicaine de Monclova. La cadence étant trop élevée et une baisse de la productivité ponctionnée sur les salaires.
"Le résultat des exigences des constructeurs en matières de coûts et de délais"
"Ces dérives sont en partie liées aux exigences des constructeurs en matières de coûts et de délais de production, avec un modèle "juste à temps", qui peut imposer des contraintes irréalistes aux fournisseurs, au détriment de la qualité", souligne Harald Condé Piquer.
Les usines de Takata vont finalement être rachetées par Key Safety Systems, filiale américaine du chinois Ningbo Joyson Electronic pour 1,4 milliard d’euros.
Marina Fabre @fabre_marina