Publié le 07 novembre 2019
SOCIAL
Payer ses courses avec des Pêches, c’est possible à Paris !
À l'occasion du mois de l'économie sociale et solidaire (ESS), organisé en novembre, Novethic vous propose de découvrir la Pêche parisienne. Il ne s'agit pas du fruit, mais d'une monnaie locale, lancée d'abord à Montreuil en 2014 et diffusée depuis mai 2018 à d'autres arrondissements et villes de la capitale. 200 prestataires acceptent d'être payés en pêches, parmi lesquels les vingt supermarchés "Les Nouveaux Robinsons" d'Île-de-France.

@Une monnaie pour Paris : la Pêche
Au café du coin, au supermarché, à la librairie, et même chez son ostéopathe, les Parisiens ont la possibilité de payer en Pêches depuis mai 2018. La capitale française est la première au monde à disposer d’une monnaie locale à une telle échelle. Le principe est simple : vous échangez vos euros en Pêches à un comptoir de change puis vous les dépensez chez l’un des 200 commerçants ou entreprises prestataires. Ces derniers pourront les utiliser à leur tour pour payer leurs fournisseurs ou salariés, ou les reconvertir en euros.
Aujourd’hui, l’équivalent de 50 000 euros est en circulation. 2 000 personnes utilisent activement ces Pêches dans 15 arrondissements de Paris (tous sauf les 1er, 2e, 5e, 8e et 16e) et dans 21 villes de la petite couronne parmi lesquelles Nanterre, Saint-Denis, Saint-Maur-des-Fossés ou encore Alfortville. L’objectif à terme est que cette monnaie locale, née en 2014 à Montreuil, soit disponible dans tout le Grand Paris. Un sacré défi.
Zone de circulation de la Pêche parisienne. (DR)
Gros coup
"Nous sommes sur une pente ascendante, estime Lucas Rochette-Berlon, co-président de l'association 'Une monnaie pour Paris : la Pêche'. Les vingt supermarchés 'Les Nouveaux Robinsons' (coopérative bio en circuit-court) d’Île-de-France viennent de nous rejoindre. C’est notre plus gros coup pour l'instant. Cela va nous permettre de changer d’échelle avec des volumes d’échanges beaucoup plus importants. Et ça devrait précipiter l’adhésion des Biocoop avec qui nous sommes en discussion."
L’objectif est de soutenir une économie "locale (en circuit-court), soutenable sur le plan écologique, citoyenne et solidaire", sans que l’argent ne soit capté par les multinationales, les marchés financiers ou les banques classiques. Les entreprises ou associations prestataires ne peuvent adhérer qu’après avoir signé une charte d’engagement exigeante. Les multinationales et leurs filiales, les entreprises liées à l’agriculture intensive ou responsables de violation du droit du travail sont exclues d’office.
"La monnaie locale fonctionne en quelque sorte comme un label afin d’éclairer le consommateur dans ses choix alors qu’il n’a pas toujours le temps de se renseigner. Notre ambition est ainsi de détourner les flux financiers vers des entreprises vraiment responsables ou en passe de l’être. Parmi nos prestataires, aucune ne respecte encore les quatre piliers de notre charte mais nous les accompagnons en ce sens, nous créons des liens entre elles pour créer une dynamique locale qui puisse concurrencer nos vrais ennemis, à savoir McDonald’s, Starbucks, etc…", explique le jeune homme, par ailleurs étudiant à Sciences-Po.
Relocalisation de l'agriculture
La Pêche n’est pas une monnaie fondante, sa valeur ne se déprécie pas dans le temps. Pour inciter les Parisiens à l’utiliser, ces-derniers bénéficient d’un bonus de 3 % au moment de la conversion (100 euros = 103 Pêches) qu'ils peuvent dépenser en don ou garder comme pouvoir d'achat. Dans l’autre sens, pour rééquilibrer les échanges, le même taux sera déduit lors de l'échange (100 pêches = 97 euros). En attendant, les euros sont investis à la Nef pour financer des projets éthiques et solidaires.
"Nous soutenons notamment l’installation d’agriculteurs en agro-écologie ou en bio dans le triangle de Gonesse, à quelques kilomètres au nord de Paris, qui pourraient fournir Les Nouveaux Robinsons ou les Biocoop. Certains seraient prêts à accepter les pêches, annonce en avant-première Lucas Rochette-Berlon. La boucle serait ainsi bouclée. Notre objectif est la relocalisation de l’agriculture et de l’économie. Et ce n’est plus un rêve, on est en plein dedans."
Depuis 2010, les monnaies locales connaissent un véritable essor en France, relancé par le film "Demain" de Cyril Dion. Il en existe une cinquantaine dans l’Hexagone dont certaines connaissent un réel succès comme l’Eusko, dans le Pays basque, lancée en 2013. Début 2019, elle était utilisée par plus de 3 200 particuliers, dans un réseau de 820 professionnels et 17 communes. Ce qui en fait la plus importante monnaie locale d’Europe. La Pêche parisienne fera-t-elle mieux ?
Concepcion Alvarez @conce1