Publié le 16 février 2018
SOCIAL
French Impact : "L’économie sociale et solidaire fait partie des talents de l’économie française", selon Christophe Itier
Christophe Itier, haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire (ESS), revient sur le lancement, il y a un mois, du French Impact. Une nouvelle page s'ouvre pour le secteur de l'ESS. Celui-ci va servir de modèle pour une transition en profondeur du modèle entrepreneuriale, espère celui qui a dirigé à la fois la Sauvegarde du Nord, l'une des plus grosses associations françaises, et le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves).
Novethic : Vous venez de lancer le French Impact, comment définiriez-vous ce mouvement ?
Christophe Itier : C’est tout d’abord une bannière ouverte pour rassembler l’ensemble des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) et au-delà, l’écosystème qui gravite autour d’elles (financeurs, incubateurs, ruches…). L’objectif est de permettre une meilleure identification de ce qui existe en matière d’innovation sociale. Il s’agit également d’accélérer le développement de ces structures lorsque les solutions ont fait la preuve de leur réussite. Alors que nous sommes toujours en proie à de nombreux problèmes (chômage élevé, décrochage scolaire, illettrisme…), nous devons changer nos façons de penser et d’agir.
Pourquoi avoir choisi un terme anglais ?
Le choix de l’anglicisme est assumé. Au même titre que La French Fab ou la French Tech, l’économie sociale et solidaire fait partie des talents de l’économie française et constitue un levier de croissance et de développement. L’innovation sociale est selon moi un vrai savoir-faire que nous pouvons exporter à l’international et qui peut être un facteur d’attractivité comme le sont la gastronomie ou encore le luxe français, reconnus mondialement.
Pour permettre à l'ESS de changer d'échelle, un accélérateur d'innovation sociale est mis en place, quel est le principe ?
Je souhaite redonner des marges de manœuvre et la capacité d’initiative aux acteurs sur le terrain. C’est un changement de paradigme inédit car nous passons d’un État-providence à un État qui fonctionnerait comme une pépinière où nous redonnons toute la place à la société civile qui a fait ce que sont nos politiques sociales aujourd’hui. L’ESS doit ainsi pouvoir irriguer l’ensemble des politiques publiques.
Des querelles déchirent le secteur depuis des années notamment au sujet de l’entrepreneuriat social considéré avec méfiance, comment les dépasser ?
Ces querelles sont dommageables car, pendant qu’on se regarde le nombril, nous ne sommes pas concentrés sur l’essentiel, à savoir trouver des réponses aux besoins des concitoyens. Avec French Impact, je souhaite que nous allions au-delà et que nous sortions de ces débats internes. Nous sommes à un moment charnière de l’histoire avec une ESS qui est enfin reconnue parce qu’elle offre beaucoup de réponses aux défis sociétaux. Que ce soit la quête de sens ou sur la volonté d’aller vers une économie plus responsable et plus respectueuse de l’environnement. Le statut ne fait pas la vertu.
Est-ce que vous avez l’oreille des ministres du gouvernement sur ces sujets ?
Lors du lancement de French Impact en janvier, trois ministres se sont succédé à la tribune. C’est inédit et ça démontre l’intérêt et le portage gouvernemental du sujet. Pendant la campagne présidentielle, nous avions porté très fort ces thématiques car Emmanuel Macron est convaincu que l’ESS est un levier pour la transformation de la société. Ce qui est en débat par ailleurs sur l’objet social des entreprises, dans le cadre de la future loi Pacte, est une reconnaissance des enjeux que portent les entreprises de l’ESS, et de leur caractère de pionnier dans la façon d’entreprendre en conciliant performance économique, impact social et gouvernance démocratique.
Ce nouveau statut ne va-t-il pas brouiller encore un peu plus le périmètre de l’ESS ?
L’économie sociale et solidaire ne doit pas exister seulement pour elle-même. Au contraire, son objectif doit être de sensibiliser l’économie traditionnelle, d’apporter un autre angle de vue à tous les acteurs économiques et politiques. Aussi, toutes les mesures qui vont dans le sens d’une plus grande conscience et d’une meilleure prise en compte de l’impact social sont bonnes à prendre. L’ESS n’a pas vocation à rester un secteur qui se parle à lui-même mais à devenir la norme.
Propos recueillis par Concepcion Alvarez @conce1