Publié le 13 juin 2014

SOCIAL

Les droits humains, parents pauvres de la Coupe du monde

Criminalisation des manifestations, zones d’exception accordées à la FIFA (fédération internationale de football association), importants renforts policiers… La Coupe du monde légitime au Brésil une dérive sécuritaire. Les associations de défense des droits humains s’inquiètent de la situation.

Manifestation Bresil Coupe du Monde Copacabana
A Rio de Janeiro, des manifestants se mèlent à ceux venus regarder le match sur un écran géant situé sur la plage de Copacabana
© Joe Raedle / Getty Images South America / Getty Images / AFP

"Não vai ter Copa !" « La Coupe du monde n’aura pas lieu ! » Au Brésil, pas une manifestation n’a lieu sans que ne soit scandé ce cri de ralliement contre le tournoi, qui cristallise les tensions.
 
Au cours de l’année 2013, 696 manifestations ont eu lieu au Brésil, selon l’inventaire dressé par Article 19, une organisation non-gouvernementale (ONG) d’origine britannique, ainsi nommée en référence à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Un texte qui pose le principe de la liberté d’expression et d’opinion. Quinze de ces manifestations ont réuni plus de 50 000 manifestants. Seize ont totalisé plus de dix blessés. Huit personnes ont été tuées, 837 autres blessées. Plus de 2 000 manifestants sont toujours en rétention. Des armes "non létales" ont été utilisées à 112 reprises. Des armes à feu, dix fois.

Selon une étude de l’institut de sondage américain Pew Research Center, réalisée au mois d’avril, 72% des Brésiliens se disent insatisfaits de la situation du pays, contre 55% il y a un an, avant les grandes manifestations de juin 2013.


 
Criminalisation des manifestants

 
Pour l’évènement, le gouvernement a prévu de recourir à 170 000 professionnels de la sécurité ainsi qu’à l’armée, et alloué un budget de 1,9 milliard de réais (630 millions d’euros) à ce secteur. Plusieurs projets de loi, en cours d’examen au Parlement, prévoient une criminalisation des manifestations et une hausse des peines en cas de "vandalisme".

"Une plus grande répression des manifestations ne doit pas être un héritage de la Coupe", insiste Renata Nader, responsable des droits humains d'Amnesty international Brésil. L’ONG a déposé, le 5 juin, au palais de la présidence brésilienne, une pétition de plus de 87 000 signatures en faveur du respect du droit de manifester. Semant un temps la division au sein du gouvernement, les projets de loi ne devraient finalement pas être soutenus par l’exécutif.

 

La loi générale de la Coupe du monde décriée


 
La loi générale de la Coupe du monde, promulguée en 2012 par la présidente Dilma Rousseff, est régulièrement montrée du doigt. "Elle autorise la subordination et la violation de l’espace public par la FIFA", dénonce Orlando Santos Junior, professeur à l’institut de recherche et de planification urbaine (Ippur) de l’Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ).
 
Elle crée, dans un rayon de deux kilomètres autour des stades du tournoi, une zone de restriction commerciale au sein de laquelle ne pourront être vendus que des produits estampillés FIFA. Une mesure qui lèse les vendeurs de rue, très présents autour des stades les jours de match, et à l’emploi informel, qui représente 60% du marché du travail au Brésil.

Est également interdit tout port de signe susceptible d'être utilisé dans des manifestations autres que celle jugées, selon les termes de la loi, "festives et amicales".

 

Une révolte sociale sous-jacente

 
Expulsions, spéculation, violences policières… "La Coupe du monde ne fait qu’exacerber et rendre des visibles des phénomènes déjà existants au Brésil", remarque Sergio Haddad, président du Fundo Brasil de direitos humanos.

Ce fonds finance depuis 2011 les organisations locales qui luttent contre les impacts de la Coupe du monde dans les douze villes hôtes, avec le soutien financier de la fondation Ford. En quatre ans, 37 initiatives ont ainsi bénéficié de plus d’un million de réais (330 millions d’euros).

"Cela fait moins de 30 ans que le Brésil est une démocratie. C’est la plus longue période de liberté de son histoire. Le pays a connu une croissance rapide. Mais la redistribution des richesses n’a pas eu lieu. Une grande partie de la population a été lésée. La Coupe du monde ne fait que mettre en lumière cette situation".

Victor Roux-Goeken
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