Publié le 01 juin 2020
SOCIAL
La mort de Georges Floyd et le vol SpaceX d’Elon Musk : l’Amérique aux deux visages
Une Amérique s’enflamme, l’autre s’envole. Après la mort tragique de Georges Floyd sous le genou de la police, les grandes villes américaines sont en proie aux manifestations et le couvre-feu est instauré dans une trentaine d’entre elles . En même temps, l’autre Amérique a décollé sur les ailes de la fusée Falcon IX affrétée par SpaceX, la société d’Elon Musk. Le pays s’ouvre à nouveau une voie spatiale vers le système solaire, encouragée par le Président Trump, honni par les manifestants.

A gauche, le vaisseau Dragon Crew de SpaceX prêt à décoller. A droite, un manifestant américain portant une pancarte "nous ne pouvons plus respirer".
Ces derniers jours ont donné à voir deux visages radicalement opposés de l’Amérique. D’un côté, il y a l’Amérique des divisions attisées par Donald Trump, celle qui "étouffe" comme le disent des milliers de manifestants reprenant les derniers mots prononcés par George Floyd quand un policier blanc lui a pendant de longues minutes appuyé le genou sur le cou. Cette scène filmée et relayée par des millions de personnes sur les réseaux sociaux a jeté dans la rue de Minneapolis d’abord puis dans d’autres grandes villes, jusqu’à Washington des manifestants qui font le siège de la Maison Blanche. La mort de cet Afro-Américain a réveillé la colère du mouvement Black Lives Matter ("les vies noires comptent"), qui a reçu le soutien de grands noms comme Mickael Jordan, Lewis Hamilton ou Serena Williams mais aussi Justin Bieber ou Taylor Swift qui appelé à voter contre Donal Trump.
After stoking the fires of white supremacy and racism your entire presidency, you have the nerve to feign moral superiority before threatening violence? ‘When the looting starts the shooting starts’??? We will vote you out in November. @realdonaldtrump
— Taylor Swift (@taylorswift13) 29 mai 2020
Au bout d’une semaine de manifestations qui ont tourné à l’émeute et aux pillages dans de nombreux endroits, la tension est au paroxysme, l’armée est dans les rues et le Président Trump jette de l’huile sur le feu avec des tweets vengeurs menaçant de représailles violentes les manifestants qu’il assimile tous à des militants d’extrême gauche.
Trump l’imprécateur aurait pourtant pu être ce week-end Trump le conquérant de l’espace car sur les côtes de Floride, c’est l’Amérique d’Elon Musk qui a été célébrée dans le monde entier. Samedi 30 mai, la fusée Falcon IX a décollé vers l’espace et, dimanche 31 mai, le vaisseau Crew Dragon s’amarrait à la Station Spatiale International (ISS). C’est la première fois qu’une société privée, SpaceX, emportait des astronautes en orbite. L’exploit permettait de libérer la Nasa, privée de lanceurs depuis 2011, de sa dépendance aux vaisseaux russes Soyouz. Le succès de ce partenariat public privé est à mettre au crédit d’Elon Musk, immigré sud-africain, un entrepreneur un peu fou et manager contestable, mais qui change la face des États-Unis à travers ses fusées et ses voitures électriques Tesla.
Une Amérique qui s’isole
Le Président Trump est bunkérisé dans la Maison-Blanche d’où il n’a cessé de s’isoler du monde en quittant d’abord l’Accord du Paris sur le climat, puis il y a quelques jours l’Organisation Mondiale de la santé (OMS). Tandis que le pays compte désormais plus de morts du COVID 19 que les deux guerres du Vietnam et de Corée réunies, plus de 40 millions de chômeurs et des milliers de manifestants en colère inextinguible, il n’a pas l’étoffe du héros américain supposé rassembler le pays confronté à une crise gravissime.
Du coup l’Amérique adopte, comme elle l’a souvent fait, ses hommes d’affaires et ses milliardaires comme figure de proue. Outre Elon Musk, on trouve, au rang de ses "héros américains" sous l’ère Trump, Jeff Bezos, patron d’Amazon et homme le plus riche du monde. Si on lui reproche mille choses : conditions de travail, évasion fiscale, etc… il est aussi en train de faire d’Amazon un modèle de transition énergétique en annonçant la neutralité carbone dès 2040 et en mettant au défi toutes les entreprises au monde de le suivre. On compte aussi le philanthrope Bill Gates. Après un passé de filou comme fondateur de Microsoft, celui-ci avec sa femme Melinda est devenu l’un des plus grands donateurs au monde en matière d’énergie propre, d’éducation, de santé, de recherche…
Ces trois hommes aujourd’hui donnent une traduction concrète au slogan de Trump "Make America Great Again" (Rendre l’Amérique Grande à Nouveau) et entérinent le remplacement politique par des figures d’entrepreneurs charismatiques. Face à la crise sanitaire, la presse américaine écrivait que "Jeff Bezos, Bill Gates et Elon Musk font plus que des politiciens pour lutter contre COVID-19". Le premier en protégeant précocement ses 100 000 salariés. Le deuxième en investissant massivement pour la recherche du vaccin. Le troisième en réaménageant ses lignes de production pour fabriquer des respirateurs. "Ces milliardaires ont pallié la faillite de la gestion de Trump". Et cela c’était avant l’embrasement provoqué par la mort de George Floyd.
Ludovic Dupin @LudovicDupin