Publié le 20 décembre 2018
SOCIAL
Gilets jaunes : quatre fois où le Référendum d’initiative citoyenne (RIC) a changé la donne en Europe
Arrêt du nucléaire en Italie,glyphosate en Europe, revenu universel et immigration en Suisse… Les référendums citoyens organisés chez nos voisins font bouger les lignes. C’est cette même démocratie que demandent aujourd’hui les Gilets jaunes avec l’instauration de Référendum d’Initiative Citoyens (RIC), plus simple à organiser que le Référendum d’initiative partagée aujourd’hui prévu par la Constitution française.

@KarinePierre/hans/AFP
Le mouvement des gilets jaunes a été lancé sur la base d’un rejet de la taxe carbone, qui avait pour conséquence de faire augmenter les prix des carburants. Après un mois, ce mouvement protéiforme aux revendications multiples semble s’agréger autour d’une demande forte : la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne, le fameux "RIC".
C’est loin d’être une idée nouvelle. Dès la Révolution française, cette forme de démocratie directe a été imaginée. Le RIC existe aujourd’hui sous différentes formes dans 27 pays dont l’Italie, les États-Unis ou la Hongrie. Mais c’est la Suisse qui est la plus allante avec près de quatre votations par an. Loin d’être de simples consultations non contraignantes, ces référendums ont parfois des impacts importants.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Italie, 2011 – Arrêt du nucléaire
En 1987, un an après l’accident de Tchernobyl, les Italiens avaient décidé de ne pas s’engager plus en avant dans le nucléaire. Mais en 2010, le Premier ministre Silvio Berlusconi relançait des projets sur l’atome. En 2011, l’accident de Fukushima au Japon entraînera un référendum d’initiative populaire sur cette énergie où 95 % des votants s’opposeront à de nouveaux projets en la matière.
Suisse 2016 – Rejet d’un revenu de base universel
En 2016, des élus suisses proposent la mise en place d’un revenu de base universel, de plus de 2 200 euros par mois, pour tous les résidents du territoire. Celui-ci aurait remplacé toutes les aides et assurances sociales. Jugée difficile à équilibrer financièrement pour le pays, cette idée est rejetée par les électeurs à 76,9 %. Toutefois, ce projet ouvrira la porte à de nombreuses expérimentations en Europe.
Union européenne, 2018 - Réglementer le glyphosate
Le 11 décembre, le Parlement européen a engagé une réforme de l’expertise sanitaire et environnementale dans l’Union européenne afin d’en garantir l’indépendance et la transparence. Ce travail a été rendu possible par une initiative citoyenne signée par plus d’un million d’Européens. Baptisé "Interdire le glyphosate et protéger la population et l’environnement contre les pesticides toxiques", elle n’a pas atteint son but puisque le glyphosate a été autorisé de nouveau pour cinq ans. Mais elle a participé à ouvrir le débat sur une reconduction tacite pour dix ans et à repenser le rôle des experts.
Suisse, 2014 – Fin de l’immigration massive
C’est un référendum helvète qui a fait rugir l’Europe. En 2014, "l’initiative pour la fin de l’immigration massive", qui concernait essentiellement les travailleurs issus de l’Union européenne, était adoptée à seulement 50,3 %. Le référendum aurait dû donner lieu à un quota pour filtrer les 80 000 entrants annuels dans le pays. Finalement, pour ne pas froisser Bruxelles, les autorités se sont "contentées" d’une priorité à l’emploi des chômeurs suisses sur les étrangers.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Ces quatre exemples montrent la diversité des thèmes possibles qui peuvent être abordés par les référendums d’initiatives populaires. Nous pourrions également citer ceux, aboutis ou non concernant, le mariage pour tous, l’utilisation d’embryons humains, la construction de Mosquées, l’autorisation de l’IVG, la peine de mort, etc. Des sujets très sensibles qui font prendre le sujet du RIC avec prudence par le Premier ministre, Édouard Philippe.
Dans une interview aux Échos, il explique être favorable à un débat sur le RIC. "Je ne vois pas comment on peut être contre son principe. Le référendum peut être un bon instrument dans une démocratie, mais pas sur n'importe quel sujet ni dans n'importe quelles conditions", explique-t-il.
Une réforme en 2008
Une position nuancée là où des nombreux autres politiques embrassent pleinement le concept. Pour Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise), le RIC doit permettre "d'abroger une loi, d'en proposer une, et le droit de révoquer un élu, quel qu'il soit, du président de la République au conseiller municipal". Pour Marine Lepen (RN), le RIC permet de "rendre la parole au peuple". Pour les parlementaires PS, le référendum populaire doit permettre immédiatement de remettre en place l’Impôts sur la fortune (ISF).
La possibilité d’un référendum à la demande du peuple existe déjà en France. Il s’agit du référendum d’initiative partagée, rendu possible par la réforme constitutionnelle de 2008. Mais ses conditions sont difficiles et restrictives. Il faut l’aval d’un cinquième des membres du Parlement (soit 185 députés ou sénateurs), soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales (soit plus de 4,7 millions de personnes). La demande des gilets jaunes demande que les RIC ne nécessitent que 700 000 signataires.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin