Publié le 11 juillet 2019
SOCIAL
Féminicides : les entreprises aussi ont un rôle à jouer dans la lutte contre les violences conjugales
121 femmes sont mortes l'année dernière sous les coups de leur conjoint ou ex-compagnon. Face à la situation, la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes vient d'annoncer la tenue d'un "Grenelle sur les violences conjugales" en septembre. Les entreprises, qui peinent encore à considérer ce sujet émanant de la sphère privée comme une de leur responsabilité, sont aussi concernées. La préservation de l'emploi, signe d'autonomie financière, étant souvent la seule porte de sortie de ces femmes.

Samuel Boivin / NurPhoto
"Les violences conjugales, c’est l’angle mort des entreprises en France". Voilà comment Sophie Binet, responsable CGT en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, décrit l’implication des entreprises françaises contre ce fléau qui touche 200 000 femmes. En France, l’année dernière, 121 d’entre elles sont mortes sous les coups de leurs compagnons ou ex-conjoints. 2019 suit la même voie avec, en juillet, déjà 75 féminicides recensées. Pour y mettre un terme, Marlène Schiappa, la secrétaire d’État à l’égalité, organisera en septembre un "Grenelle des violences conjugales".
Autour de la table, les "ministres concernés, acteurs de terrain, services publics, associations, familles de victimes", énumère la ministre dans le Journal du dimanche. Les entreprises seront-elles conviées ? Pour l’instant, le ministère des droits des femmes n’a pas évoqué cette idée. Pourtant, même si ce sujet relève de la sphère privée, elles ont un rôle à jouer. "Si l’entreprise ne peut se substituer aux associations pour assurer la prise en charge des victimes, elle peut et doit être capable de les soutenir et de les orienter vers des organismes dédiés", estime François-Henri Pinault, PDG de Kering et membre du premier réseau européen d'entreprises engagées contre les violences conjugales initié par la Fondation Face.
57 % des actes de violences sur le lieu de travail
Cette dernière a justement publié en 2016 un guide sur ce sujet à l'intention des entreprises, encore trop peu nombreuses à comprendre que les violences conjugales relèvent aussi de leurs champs d’action. Or ces violences peuvent avoir été effectuées sur le lieu de travail. En 2017, une enquête menée en Belgique sur un panel de près de 2 000 personnes a établi que plus de 57 % des actes de violences se sont produits sur le lieu de travail ou à proximité. Le lieu de travail est même le premier endroit où le conjoint violent va rechercher sa victime.
Mais surtout, l’emploi peut être la clé de sortie pour les victimes de violence. Signe d’autonomie financière, il peut permettre à ces femmes d’échapper à leur bourreau. D’où la demande de plusieurs associations et expertes de mettre en place une interdiction de licenciement en cas de violence conjugale, de la même manière que l’employeur ne peut licencier une employée victime de violence au travail.
Sécuriser l'emploi pour sauver des vies
"La France doit sécuriser l’emploi et la carrière des victimes de violences, que celles-ci aient un lien avec le travail ou non, en mettant en place plusieurs mesures : le droit à des aménagements d’horaires, de poste, des congés payés, la possibilité d’une mobilité fonctionnelle ou géographique choisi ainsi que l’accès à une prise en charge médico-sociale et psychologique des victimes sans frais", écrivent des associations dans une tribune adressée à Emmanuel Macron et publiée le 6 juillet dans les colonnes de Libération.
Plusieurs pays ont déjà mis en place certaines de ces revendications. "En Nouvelle Zélande, où les services de police reçoivent un appel lié à des violences domestiques toutes les quatre minutes, le Parlement vient de voter une loi permettant aux victimes de bénéficier de dix jours de congés payés notamment pour effectuer les démarches relatives à leur séparation sans affecter leur situation d’emploi", indique Françoise Kemajou, administratice déléguée de l'association Pour la solidarité (PLS).
En France, une dizaine d’entreprises comme L’Oréal, Carrefour, SNCF, Kering, Bnp Paribas ont signé en novembre 2018 une Charte d’engagement pour lutter contre les violences conjugales lancé par la Fondation Face. Des initiatives volontaires qui ont le mérite de mettre le sujet dans le radar des entreprises. Mais les signataires de la tribune réclament un vrai plan de prévention obligatoire, assorti de sanction. "Cela peut sauver des vies", rappelle Sophie Binet.
Marina Fabre, @fabre_marina