Publié le 07 août 2020
SOCIAL
[Édito] Refuser le port du masque : quand la folie complotiste met tout le monde en danger
L’épidémie de coronavirus va durer encore de nombreux mois et la hausse des nouveaux cas dont de nombreux pays comme la France poussent les gouvernements à imposer de nouveaux gestes de protection. La première barrière est le port du masque. Mais pour une communauté complotiste, très active sur les réseaux sociaux, il s’agit de la voie vers une dictature sanitaire.

@PaulZinken/dpa-zentralbild/dpa Picture-Alliance via AFP
Début août, 17 000 Allemands sont descendus dans la rue à Berlin pour manifester contre l’obligation de porter le masque. Leur marche était baptisée "Journée de la liberté", faisant référence à un film de la réalisatrice nazie Leni Riefenstahl sur la conférence du parti d'Adolf Hitler en 1935. Rien que ça ! Avec un peu moins d’ampleur, de mêmes mouvements se retrouvent en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis où ceux qui se désignent comme "des résistants" dénoncent les gestes de protection sanitaires imposés par les gouvernements.
En France, l’un de leur porte-parole est par exemple Franck Renda qui, dans une vidéo vue des dizaines de milliers de fois, explique que le masque comporte un risque mortel à cause de la privation d’oxygène qu’il provoque. D’autres assurent que les virus traversent le tressage et que cela ne sert à rien. Les personnels hospitaliers, qui portent des masques plusieurs heures par jour pendant toutes les années de leur carrière jusque dans les salles de chirurgie, apprécieront.
Le droit à respirer
Bien sûr, les appels rationnels des médecins à porter le masque afin d’éviter la mise en suspension de microgouttelettes ne servent à rien. De même pour les explications de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). "L'utilisation prolongée des masques chirurgicaux, dès lors qu'ils sont correctement portés, n'entraîne pas d'intoxication au dioxyde de carbone ni de manque d'oxygène", explique-t-elle. Inaudible au moment où au Canada 6 000 personnes ont signé une pétition pour le "droit de respirer".
Selon Rudy Reichstadtle directeur de Conspiracy Watch, interrogé par France Info, les tenants du mouvement anti masque vise à "installer une dramaturgie dans laquelle on aurait des gouvernants psychopathes qui chercheraient à nous assassiner pour le plus grand profit des laboratoires pharmaceutiques, du nouvel ordre mondial, de ce que vous voulez". Selon lui, ces mêmes personnes expliquaient que "le confinement était une première étape vers une dictature et que l'étape ultime serait la dictature vaccinale".
Car derrière ce mouvement anti-masques se cache bien souvent la communauté des antivaccins. Ces personnes jugent que les vaccins sont plus dangereux que les maladies. Autant dire qu’elles n’ont aucune idée de ce que peut être la variole ou la poliomyélite. Cette pensée – absurde – prend de plus en plus de place en France et a même été relayée parfois au niveau politique. La question vaccinale a repris du poil de la bête avec le Covid-19 prenant spécifiquement pour cible Bill et Melinda Gates.
Bill Gates pour réduire la population
Le couple milliardaire est très investi au niveau de l’OMS pour la vaccination dans les pays les plus pauvres. Il n’en fallait pas plus pour voir émerger dès janvier 2020 des rumeurs complotistes expliquant que Bill Gates a créé le virus et planifier la pandémie. Son but est d’imposer une campagne globale de vaccination afin d’introduire des puces électroniques dans le corps des humains et contrôler la population. Certaines sources américaines disaient même que le but est de détruire 15 % des humains sur Terre. Un vrai Thanos dans le monde réel.
Toutes ces idées - farfelues et dangereuses - prennent de l’essor. Dans son rapport 2019, Conspiracy Watch expliquait qu’un Français sur cinq à un Français sur trois émettait des idées conspirationnistes. Et cela risque de s’accroître avec la pandémie actuelle. Les médias en sont en partie responsables en ne faisant pas assez de pédagogie, tout comme les politiques dont la doctrine en matière de masques par exemple a changé sans cesse.
Mais ce sont les réseaux sociaux qui permettent de faire pulluler sans limite des idées simplistes. Conspirancy Watch émet une recommandation pour y faire face : "le développement de l’esprit critique pourrait avantageusement être renforcé, de même que la culture scientifique au sens large. Au-delà des publics scolaires, cette démarche devrait s’adresser à tous les citoyens".
Ludovic Dupin, @LudovicDupin