Publié le 16 mars 2022

SOCIAL

La guerre en Ukraine fait émerger d'autres modèles de production

Pour parer à de potentielles pénuries, prévenir des risques juridiques ou encore de réputation, les entreprises s’affairent. En pleine guerre en Ukraine, elles tentent d’identifier les sous-traitants qui sont, directement ou non, présents en Russie ou en Ukraine pour s’adapter.

Approvisionnement devoir de vigilance Jason Goh de Pixabay
Les entreprises confrontées aux risques juridiques, économiques et de réputation.
Jason Goh de Pixabay

Confrontées à des crises à répétition, les entreprises vont devoir revoir leur modèle de production. Au delà du drame humain, la guerre en Ukraine prouve une nouvelle fois les limites de la mondialisation. Les chaines d'approvisionnement des entreprises doivent en effet être passées au crible pour identifier les risques potentiels. "Les risques juridiques, économiques et de réputation pour les entreprises qui opèrent ou investissent en Russie et au Bélarus sont énormes", alerte ainsi la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH).

Une relation commerciale avec un fournisseur en Russie fait en effet planer un risque juridique. En vertu du devoir de vigilance, les donneurs d’ordre "sont censés cartographier les risques d'atteintes qui résultent des activités de leurs fournisseurs dans leur plan de vigilance, et donc y faire référence à leurs fournisseurs. Mais toutes les sociétés ne le font pas", indique l’ONG Sherpa. Les services juridiques sont par ailleurs à pied d’œuvre car certains biens pourraient être soumis à des embargos. "Les risques sont particulièrement élevés pour les entreprises qui investissent ou s’associent à des entreprises d’État ou à des entités liées au régime de Vladimir Poutine, qui pourraient se retrouver à aider, encourager ou faciliter indirectement les violations du droit international par la Russie", prévient la FIDH.

"Il est très difficile de connaître exactement ses sous-traitants"

Autre risque non négligeable pour les entreprises : le risque de réputation. Les entreprises sont de plus en plus pressées de se prononcer sur les valeurs qu’elles défendent. Elles sont ainsi sommées d'être transparentes sur leur présence ou les liens commerciaux qu'elles entretiennent avec des entreprises russes. Toutefois, "pour une entreprise, cela peut être très difficile de connaître exactement ses sous-traitants. Par exemple, une cargaison de café peut changer plusieurs fois de propriétaires sur un trajet transatlantique entre le champ et l'usine de conditionnement. Il est donc très difficile de cartographier les risques sur une chaine d’approvisionnement", indique Dimitri Caudrelier, CEO de Quantis, cabinet de conseil.

Concernant les sociétés présentes en Ukraine, les risques sont d’une tout autre nature. Les fournisseurs ukrainiens ne pourront pas livrer tout ou partie des marchandises. Leurs clients sont ainsi confrontés à des ruptures d’approvisionnement. Ainsi, l'industrie automobile, qui ne s'est pas encore remise de la pénurie mondiale de puces, doit faire face à une pénurie de pièces détachées dont des câbles. L'Union européenne importe environ 7% des câbles indispensables à l'industrie automobile, selon une analyse des données de Comtrade 2020 par Alixpartners. Résultat, des usines allemandes de Volkswagen, basées à Zwickau, Dresde ou encore Wolfsburg, la plus grosse usine du groupe, ont dû interrompre leur production voire fermer les usines. Porsche ou BMW sont également touchés par ces pénuries.

Internaliser la production pour contourner les risques

Des solutions pourraient aider les entreprises à mieux maîtriser les risques sur leurs chaînes d’approvisionnement. "Les donneurs d’ordre peuvent s'atteler à la mise en place de certificats d’origine, internaliser davantage certaines étapes de la fabrication des produits ou encore engager des contrats sur le long terme avec leurs sous-traitants et ainsi co-construire avec eux de véritables plans de transformations", indique Dimitri Caudrelier. 

Certains grands groupes sont passés à l’acte comme Ferrero. Le géant de l'agro-alimentaire qui importait la majorité de ses noisettes de Turquie a lancé un programme afin de rapatrier en Italie la production de la matière essentielle à la fabrication du Nutella. Alors que les crises devraient se multiplier, ces mouvements de relocalisations et de diversification des chaines d'approvisionnement pourraient s'intensifier. 

Mathilde Golla @Mathgolla


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