Publié le 12 janvier 2018

SOCIAL

[Décryptage] H&M, boycott et respect des droits humains

La publicité avec un petit enfant noir portant un sweat marqué "le singe le plus cool de la jungle" a considérablement égratigné l’image de la marque H&M. Cet événement témoigne d’un manque de maîtrise de la chaîne de sous-traitance de l’entreprise et les appels aux boycotts des consommateurs et surtout des investisseurs responsables sont un vrai danger pour le business model de la société.

La publicité d'H&M ci-dessous a entraîné un appel au boycott, notamment de stars du basketball aux États-Unis.
H&M

La publicité signée H&M d’un enfant noir habillé d’un sweat-shirt vert portant l’inscription "le singe le plus cool de la jungle" a fait le tour du monde via les réseaux sociaux et entaché sérieusement la crédibilité de la marque. Ouvertement accusée de racisme par les stars du basketball américain ou de la musique (The Weeknd a par exemple stoppé sa collaboration avec elle), la marque s’est platement excusée et a mis au recyclage tous les sweat-shirts retirés depuis des magasins.

Elle l’a fait après le raz-de-marée de protestations et pas assez vite pour éviter les descentes dans ses points de vente de ceux venus jeter par terre l’objet du délit et interpeler les clients. Ce "bad buzz" a réveillé de vieux démons nés lors de son installation en Afrique du Sud comme l’explique Jeune Afrique. Il a aussi des conséquences concrètes d’un point de vue économique et financier.

L’essentiel de la valeur d’une entreprise comme H&M repose sur sa marque. C’est elle qui lui donne capacité à attirer des clients partout dans le monde sur des vêtements vite achetés, vite portés et vite remplacés parce qu’ils sont dans une tendance toujours renouvelée. Or cette image est dorénavant associée à un racisme si banal dans l’organisation de l’entreprise que personne dans la chaine complexe qu’est devenue la production d’un vêtement et sa publicité n’a empêché le scandale.

Des dizaines de personnes, toutes employées ou sous-traitantes, ont eu l’occasion de lancer l’alerte : celles qui ont conçu le message, celles qui ont choisi un petit garçon noir comme mannequin, celles qui ont mis en ligne la photo sur le site de la marque…  Cette affaire est donc non seulement une tâche, probablement indélébile, sur l’image d’H&M mais aussi un signal fort que l’ensemble de sa chaîne de sous-traitance a des gros points de faiblesse sur son cœur de métier : le design de produits attractifs pour une jeunesse de toutes les couleurs de peau.

Des boycotts de produits israéliens

Certains vont essayer de chiffrer le coût de cette crise. Elle a le potentiel, pour les investisseurs responsables les plus engagés, de mettre H&M sur des listes d’alerte qui peuvent conduire à leur liste noire. Le spécialiste suédois du textile vient des pays scandinaves où les grands fonds de pension ont des politiques éthiques exigeantes. Quand ils excluent une entreprise de tous leurs placements pour ces raisons, Celle-ci perd des parts de marché d’une façon ou d’une autre à cause de son image dégradée. C’est pour cela que les appels au boycott sont pris très au sérieux.

En Israël, c’est même une affaire politique majeure. Le mouvement BDS qui appelle au boycott des produits israéliens pour protester contre la colonisation des territoires occupés a un impact médiatique mais aussi financier à travers les politiques de désinvestissement des fonds de pension qui elles-mêmes provoquent des polémiques. Israël a été jusqu’à placer, début janvier 2018, les organisations qui, selon elle, promeuvent le boycott du pays sur une liste noire visant à interdire à leurs membres d’entrer sur son territoire.

Boycott et liste noire sont donc des armes politiques fortes. Sont-ils pour autant des armes de dissuasion massive permettant aux organisations ciblées de renoncer à leurs pratiques controversées ? C’est en tous cas un moyen de pression très utile sur un plan médiatique et, dans une ère où la communication est la clef de beaucoup de choses, c’est un atout majeur. Le gouvernement israélien l’a bien compris puisqu’il a annoncé la création et le financement d’une structure destinée à répondre au boycott par une politique de communication et de visite du pays dont il serait le promoteur.

Anne-Catherine Husson-Traore,  @AC_HT, Directrice générale de Novethic


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