Publié le 22 février 2023
SOCIAL
Dans les plantations de thé fournissant Lipton, le scandale des abus sexuels
"Le vrai coût de notre thé". Voilà le nom de l'enquête terrifiante que vient de publier la BBC. Une journaliste sous couverture a intégré des plantations kényanes qui fournissent du thé à des marques comme Lipton. Elle a recueilli les témoignages de dizaines de femmes victimes d'abus sexuel de leurs supérieurs. La journaliste elle-même a été victime de harcèlement sexuel alors que plusieurs responsables ont été suspendus depuis les révélations.

LUIS TATO / AFP
C’est un scandale d’ampleur que vient de révéler la BBC. Dans une enquête publiée le 20 février, la chaine britannique a recueilli les témoignages de nombreuses femmes victimes d’abus sexuels dans des plantations de thé au Kenya. Les plantations pointées du doigt appartiennent à Lipton Teas and Infusion, qui était il y a peu une filiale du géant britannique de l'agroalimentaire et des produits d'hygiène Unilever, ainsi qu'à sa compatriote James Finlay, filiale du conglomérat Swire.
"Plus de 70 femmes dans des plantations de thé kényanes détenues pendant des années par deux sociétés britanniques ont raconté à la BBC avoir été abusées sexuellement par leurs supérieurs", a rapporté la chaîne britannique sur son site internet. Selon les témoignages recueillis par la BBC, plusieurs victimes ont affirmé n'avoir d'autre choix que de céder aux exigences sexuelles de leurs patrons pour obtenir ou conserver leur emploi.
Viol d'une jeune fille de 14 ans
L'une d'elles dit avoir été infectée par le VIH, tandis que d'autres sont tombées enceintes, selon cette enquête de BBC Africa Eye/Panorama. Un responsable est accusé d'avoir violé une jeune fille de 14 ans qui vivait dans l'une des plantations. "Katy", une journaliste sous couverture, a également subi du harcèlement sexuel de la part de deux supérieurs. L’un des recruteurs de l’entreprise James Finlay & Co l’a plaquée contre une fenêtre en lui demandant de se déshabiller. "Katy a également été victime de harcèlement sexuel lorsqu'elle était sous couverture dans une ferme, qui était à l'époque dirigée par Unilever", note la BBC.
Unilever, dont la vente de ses opérations au Kenya est intervenue pendant le tournage, s'est dit "profondément choqué par les allégations du programme de la BBC", dans une déclaration transmise à l'AFP. "Nous avons travaillé dur pendant de nombreuses années pour résoudre les problèmes très graves de violence sexuelle et sexiste contre les femmes dans l'industrie du thé", a poursuivi le groupe, se disant "très déçu" que cela n'ait pas suffi à prévenir les abus rapportés.
Suspension des managers
Nathalie Roos, directrice générale du nouveau propriétaire Lipton Teas and Infusions assure de son côté "avoir immédiatement suspendu les managers" mis en cause et ordonné une "enquête complète et indépendante", pour qu'à l'avenir "tout cas de violence ou d'abus soit détecté, signalé et résolu". "La sécurité des femmes" travaillant dans le secteur "me tient particulièrement à cœur", a-t-elle ajouté, se disant elle aussi "choquée et consternée".
"Il n'y a pas de place pour les abus sexuels ou le harcèlement dans notre entreprise", a pour sa part réagi James Woodrow, directeur général de James Finlay, assurant avoir suspendu et signalé à la police deux personnes mises en cause. Le groupe ajoute avoir commandé des enquêtes indépendantes pour examiner "à la fois les allégations spécifiques du documentaire ainsi que notre approche pour prévenir la violence sexuelle" et mettre un terme à de telles pratiques.
Unilever a concrétisé en juillet la vente pour 4,5 milliards d'euros de sa division de thés qui comprend 34 marques dont Lipton, Tazo et Pukka, au fonds CVC Capital Partners. Cette entité désormais basée aux Pays-Bas a depuis pris le nom de "Lipton Teas and Infusions".
La rédaction avec AFP