Publié le 23 juin 2017
SOCIAL
[Reportage] Salon du Bourget : plus jamais d'avions sans elles
Les femmes ne représentent que 21% des effectifs du secteur spatial et aéronautique. Pour faire décoller les vocations, l'association "Elles bougent", en partenariat avec Airbus, Thales ou Safran, a organisé une journée découverte au Salon du Bourget en présence de 200 lycéennes. Entre les passionnées qui rêvent d'être pilote de ligne et celles qui n'y avaient "jamais pensé", les barrières tombent.

@MarinaFabre
Elles se sont réunies devant la Porte Est du Salon du Bourget ce jeudi 22 juin. Les 200 lycéennes et étudiantes venues découvrir l’industrie spatiale et aéronautique détonnent dans cet univers très masculin. Pour cause, les femmes ne représentent que 21% des effectifs du secteur. Pour tenter de féminiser cette industrie, l’association "Elles bougent", en partenariat avec 23 grandes entreprises du GIFAS (Groupement des Industries françaises aéronautiques et spatiales) comme Airbus, Alten, Safran ou encore Thales, ont organisé une journée découverte afin de susciter des vocations.
"Venez chez nous, j’aimerais ne plus avoir une équipe 100 % masculine", leur lance Pamela Reichert, responsable d’un bureau d’études chez le motoriste Safran. Elle fait partie des 100 marraines déployées sur tout le salon. Envoyer par leurs entreprises comme exemples à suivre, ces expertes sont ici pour répondre aux questions des jeunes filles et leur expliquer que : "non, ingénieur en aéronautique, mécanicien ou pilote de ligne ne sont pas des métiers réservés aux hommes".
"Une gonzesse, ça ne peut pas piloter"
"Il y a beaucoup d’autocensure. Une jeune fille qui obtient 18 de moyenne va douter de ses capacités à se lancer dans le secteur alors qu’un jeune homme avec 12 ne se pose pas la question deux fois. Cela fait des années que je cherche à recruter une femme dans mon équipe, je n’ai reçu aucune candidature !", déplore Pamela Reichert. En cause, les représentations stéréotypées de certains métiers, et la socialisation sexuée tout au long de la scolarité, qui forme garçon et fille à des rôles précis.
Sur les 200 lycéennes, divisées en plusieurs groupes, certaines sont là pour trouver leur voie, d’autres sont déjà conquises. C’est le cas de Sonia*, inscrite dans un club d’aéronautique depuis ses 14 ans. "J’ai toujours été passionnée par les avions, j’en conduis souvent. Mon oncle était pilote de ligne et je veux aussi le devenir. Bien sûr, on m’a déjà dit, "oh mais une gonzesse, ça ne peut pas piloter", mais je suis déterminée. Je me sens tellement bien dans un cockpit, je me sens légère", explique cette lycéenne de terminale scientifique sans lâcher des yeux l'écran du simulateur de vol sur lequel elle s'exerce.
"La féminisation d’Airbus est une question de performance"
Malgré quelques progrès, les entreprises du secteur peinent pourtant à attirer les talents féminins. Elles ont ainsi établi des objectifs chiffrés et concrets. Airbus visent un tiers de femmes dans les nouveaux recrutements et Safran 25 % pour les ingénieurs et les cadres. "La féminisation de notre entreprise, c’est une question de performance", estime Thierry Baril, directeur général des ressources humaines d’Airbus.
Pourtant, 83 % des effectifs actuels d’Airbus sont des hommes, mais "on progresse", affirme Thierry Biel. "Il y a deux ans, les femmes représentaient seulement 6 % de notre filière d’apprentissage, cette année on est passé à 24 %. Notre industrie a été dominée par les hommes, historiquement et culturellement. Aujourd’hui, avec les nouveaux équipements, tous nos métiers sont unisexes. La progression est lente mais nous allons y arriver".
Ouvrir les voies dès le plus jeune âge
Sur le parcours, les jeunes filles assistent à un atelier de l’entreprise Lisi Aerospace, n°3 mondial dans la conception et production de fixations d’assemblages et composants de structures de Haute Technologie comme les fusées ou les avions. "Pendant longtemps il n’y a eu aucune femme. Pour la première fois, il y a cinq ans, une première femme est arrivée pour travailler avec nous à la forge. Cela s’est très bien passé, elle a été vite intégrée", raconte Cédric Chaumard, concepteur fixation-assemblage, en montrant à son auditoire les pièces de haute précision fabriquées dans les ateliers de l'entreprise.
"Plus nous les sensibilisons jeunes, plus elles peuvent se projeter dans des métiers dits masculins", explique Fabienne Heilbronn, directrice des projets immobiliers chez ADP, ex-Aéroports de Paris, marraine de "Elles bougent". Et le timing est important car dans les terminales S (scientifique), qui mènent vers les métiers de l’aéronautique et du spatial, les effectifs sont paritaires. Mais elles sont quatre fois moins nombreuses dans les métiers d’ingénieurs. D’où l’importance des rôles modèles qui ouvrent la voie.
Marina Fabre @fabre_marina
*Son prénom a été modifié