Publié le 07 octobre 2016
SOCIAL
Discriminations dans les entreprises : le fait religieux redouté par les salariés
Le Medef présentait jeudi 6 octobre la 5ème édition de son baromètre annuel sur la perception de l’égalité des chances par les salariés (1). Un baromètre présenté comme un dispositif d’accompagnement des entreprises pour mieux gérer la question de la diversité. Il permet de mettre à jour les craintes des salariés en matière de discriminations. Depuis 2013, la question du fait religieux monte en puissance. Un fait qui se vérifie particulièrement cette année.

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La diversité est une chance pour la performance de l’entreprise. Les discriminations, un gâchis de talents. C’est le message martelé hier matin au siège du Medef, lors de la présentation de la cinquième édition du baromètre annuel sur la perception de l’égalité des chances en entreprises par les salariés.
Ce sondage offre quelques bonnes nouvelles : les employeurs sont de plus en plus concernés. C’est en tout cas ce que ressentent les salariés interrogés : 75% d'entre eux pensent que le respect des diversités et l’égalité des chances sont l'une des priorités actuelles de leur entreprise. C’est 5 points de plus que l’an dernier. Et pour trois quarts d’entre eux, l’action de leur entreprise en la matière est jugée efficace, même si employés et ouvriers ont dû mal à citer des actions précises (contre 75% des cadres).
Une forte montée des craintes liées à la religion
Pour les salariés, la question du fait religieux est de plus en plus préoccupante. "Ces dernières années, il y a eu un transfert des discriminations de l’origine à la religion", principalement musulmane, souligne ainsi Nathalie Bejos, la directrice du département Promotion de l’Egalité et de l’Accès aux Droits du Défenseur des droits.
Dans un climat de tension lié, notamment, aux récents attentats qui ont frappé la France depuis 2 ans, le port de signes religieux très visibles est particulièrement pénalisant. Et ce alors même que la perception de la facilité de carrière – c’est-à-dire la facilité à être recruté, promu à un poste à responsabilité ou à occuper un poste en contact direct avec la clientèle – s’améliore pour tous (femmes, homosexuels, personnes noires, mères d’enfant en bas âge et seniors). Ce qui n’est pas le cas de personnes portant un signe religieux visible (non défini précisément).
La religion est aussi le seul thème qu’il semble moins facile d’aborder au travail qu’auparavant, souligne le baromètre. Et si le sujet ne fait pas plus l’objet de moqueries que les autres années, il dérange davantage les salariés : 15% d’entre eux – et même 20% des managers et 22% des recruteurs – considèrent que le port de signes ostensibles perturbe l’ambiance au travail. Au final pourtant, seuls 6% des salariés interrogés souhaiteraient que ce sujet soit une priorité d’action de leur entreprise.
L’âge, première crainte de discrimination
La crainte de la discrimination reste par ailleurs forte chez les salariés. Ils sont 55% à penser pouvoir être un jour discriminés sur le marché du travail et 41% au sein de leur entreprise. C’est particulièrement vrai pour les femmes (61% des femmes craignent d’être discriminées sur le marché du travail contre 51% des hommes). Leur principale crainte, tout comme les hommes, porte sur des discriminations liées à leur âge (36%, en hausse de 7 points par rapport à 2015). Loin devant la crainte de discriminations liées à leur sexe (22% pour les femmes mais 10% pour les hommes), à leur apparence ou à leurs diplômes.
Une donnée qui étonne Nathalie Bajos et Brigitte Grésy, Secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les deux spécialistes précisent que, dans les faits, les inégalités entre les femmes et les hommes n’évoluent que très lentement. "Les questions de discriminations liées au sexe sont encore sous-estimées dans l’entreprise ; elles vont prendre de l’ampleur dans les prochaines années, au fur et à mesure que la parole se libère."
Dans ce 5ème baromètre, le Medef insiste sur la nécessité d'une meilleure communication autour des questions de diversité et de discrimination dans l’entreprise, mais aussi sur la diffusion de bonnes pratiques ou encore la mise en place d’un diagnostic national du climat d’égalité des chances. Des recommandations qu'il a bien du mal à mettre concrètement en pratique : l'organisation patronale a quitté la table des négociations du groupe de dialogue qui préparait depuis 2 ans le rapport Sciberras sur les discriminations, arguant qu’aucune de ses contributions "n’était prise en compte". Mais, selon le Monde, c’est la préconisation d’un référent à la discrimination et des opérations de testing dans l’entreprise qui auraient mis le feu aux poudres. Le rapport, qui devait être remis le 4 octobre à la ministre du travail, n’a aujourd’hui plus de date de restitution déterminée.