Publié le 27 août 2018
SOCIAL
Licenciement pour port du voile : une discrimination pour le Comité des droits de l’Homme de l’ONU
Quatre ans après la fin de la saga judiciaire dite affaire Baby-Loup, le comité des droits de l’Homme de l’ONU invite la France à indemniser Fatima Afif. Celle-ci avait été licenciée en 2008 pour avoir refusé de retirer son voile dans cette crèche privée.

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"Une atteinte à la liberté de religion" et une "discrimination". C’est la conclusion du Comité des droits de l’Homme de l’ONU dans l’affaire dite Baby-Loup. L’instance n’a pas de pouvoir de contrainte mais invite la France à indemniser Fatima Afif. Cette salariée avait été licenciée en 2008 par la crèche privée Baby Loup parce qu’elle refusait de retirer son voile à son retour de congé parental.
L’affaire s’était vite transformée en saga judiciaire. Les tribunaux avaient d’abord débouté par deux fois la plaignante. Mais, dans un arrêt de mars 2013, vivement critiqué, la chambre sociale de la Cour de cassation lui avait donné raison, estimant que "s'agissant d'une crèche privée" et que le licenciement constituait donc "une discrimination en raison des convictions religieuses". Puis, nouveau retournement de situation en 2014 où la Cour de cassation avait confirmé le licenciement…
"Atteinte à la religion et discrimination en raison de la religion et du genre"
Après avoir épuisé toutes les voies de recours devant les juridictions internes, les représentants de Fatima Afif, les avocats Claire Waquet et Michel Henry, avaient finalement déposé une requête le 18 juin 2015 auprès du Comité des droits de l'Homme de l'ONU.
Les experts indépendants du Comité ont rendu leur décision le 10 août 2018 (1), condamnant la France pour violation des articles 18 et 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, c'est-à-dire pour atteinte à la religion et discrimination en raison de la religion et du genre. Le Comité relève que le port d'un foulard islamique ne pouvait être considéré comme "un signe extérieur fort" ou "ostentatoire" et "constitutif d'un acte de prosélytisme". En conséquence, son licenciement, "sans indemnité de rupture", "ne reposait pas sur un critère raisonnable".
Dans sa décision, le Comité somme par ailleurs l'Etat français de rendre publiques ces constatations (ce qui n'a pas encore été fait) et de proposer une indemnisation à la plaignante sous 180 jours, tout en prenant "toutes les mesures nécessaires pour prévenir des violations similaires à l'avenir". Tous ces éléments donnent à cette condamnation une grande valeur en termes de jurisprudence.
La rédaction avec AFP
(1) Ces conclusions ont été rendues publiques par L’Obs le 24 août 2018.