Publié le 25 mars 2020
SOCIAL
[Coronavirus, le jour d’après] Relocaliser la filière française textile, un enjeu environnemental et social
L'industrie textile a été lourdement affectée par le Coronavirus dont l'épidémie a commencé en Chine, l'atelier du monde. L'importance de relocaliser la filière française, de la production de matières premières écologiques comme le lin à la fabrication de vêtements, n'a jamais été aussi mise en avant. Toute la semaine, Novethic se penche sur la fragilité de nos modèles économiques, secteur par secteur, mise en lumière par la crise sanitaire actuelle.

@South_agency
C’est un des premiers secteurs à avoir été touché par le Coronavirus. L’industrie du textile a été lourdement impactée lorsque l’atelier du monde, la Chine, qui représente 32 % du marché des vêtements, a dû mettre à l’arrêt ses ateliers. Et les acteurs français n’ont pas été épargnés. Le pays de Xi Jinping est le premier fournisseur textile pour l’Hexagone. Avec Hong Kong ils représentent 27 % de l’approvisionnement des marques françaises. "L’année 2020 a commencé très conditionnée par la pandémie de Covid-19, mais nous avons pleine confiance en la force de notre modèle économique et dans la stratégie à long terme du groupe", a déclaré Pablo Isla, le président de Inditex, qui détient notamment Zara.
Malgré ce rassurant message, les nouvelles ne sont pas bonnes pour la fast fashion. Une analyse d’UBS a évalué l’impact du Coronavirus sur les détaillants européens les plus exposés. Y figuraient en tête deux mastodontes, H&M et Inditex, du fait de leur grande dépendance à la Chine et de la vitesse de rotation des stocks. Si ces deux groupes peuvent diversifier leur approvisionnement en se focalisant sur l’Afrique du Nord et la Turquie par exemple, leur modèle économique, reposant sur des chaînes d’approvisionnement éclatées et des produits à bas coût, est remis en question.
Un engouement pour le 100 % local
En dix ans, le marché a perdu 15 % de sa valeur, tous circuits de distribution confondus, selon l’Institut français de la mode. En cause, notamment, la nécessité de "consommer moins mais mieux". Le drame du Rana Plaza survenu en 2013, au cours duquel 1 130 ouvrières du textile ont trouvé la mort lorsque l’usine bangladaise dans laquelle elles travaillaient s’est effondrée, a mis en lumière les conditions de travail déplorables de ces petites mains. Aujourd’hui, c’est l’impact environnemental de cette industrie qui est pointée du doigt.
Rapport après rapport, les ONG documentent la pollution des rejets des eaux usées, des teintures, les émissions de CO2 générées pour la production d’un Tee-shirt, des milliers de litres d’eau nécessaires à la production d’un kilo de coton… Une prise de conscience qui a lancé un vrai mouvement de relocalisation de la mode, avec un "sourcing" de proximité voire totalement locale. C’est le cas de précurseurs comme Le Slip Français qui, dès 2011, a misé sur le 100 % made in France. Il a été suivi par la marque de jean 1083 qui a décidé de relocaliser au maximum sa production. Face à l’engouement pour le local, l’Atelier Tuffery, plus vieux producteur de jean en France, a annoncé en février tripler sa surface. Toile brute, coton bio, chanvre… tous les tissus proviennent de France, d’Espagne ou d’Italie.
Mais ces acteurs sont confrontés à de multiples problèmes comme un coût de production élevé et des ateliers français sous tension qui "refusent de nouveaux clients", note Les Échos. L’enjeu est donc de créer une vraie filière pour permettre de mieux s’organiser. C’est dans cette perspective que le fabricant de tissus Emmanuel Lang va relancer la première filature de lin française. La France est en effet le premier producteur de ce tissu écologique mais n’a plus le savoir-faire des tisseurs qu’elle sous-traite à la Chine. De la production de matière première à la confection des vêtements, c’est toute une filière qui doit être relocalisée en France.
Marina Fabre, @fabre_marina