Publié le 15 janvier 2023
SOCIAL
Inscription dans la loi, partage de l'effort, temps de travail : plus de 5 000 citoyens font des propositions en faveur de la sobriété
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté mercredi 11 janvier un avis sur la sobriété afin de favoriser son évolution dans la société et dans nos modes de vie. Signe que le sujet, encore tabou il y a un an, se démocratise. Parmi la vingtaine de préconisations, il y a la nécessité de faire émerger un récit positif, d'organiser un débat national sur la répartition des efforts ou encore l'importance de négocier l'organisation du travail.

@istock / Michael Wels
S’il est un mot qui a marqué l’année 2022, c’est bien celui de sobriété. Le terme jusqu’alors boudé fait désormais régulièrement la Une des journaux et est au cœur de la politique énergétique du gouvernement, sous l'effet de la guerre en Ukraine, des risques d'approvisionnement en hydrocarbures russes et de l'explosion des prix de l’énergie. C’est dans ce contexte que le Conseil économique, social et environnemental (Cese) s’est lui aussi saisi de la question en lançant une consultation citoyenne sur la sobriété, s’inspirant de la Convention citoyenne pour le climat.
Sous la supervision de la commission Environnement du Cese, une plateforme en ligne a été lancée à l’automne dernier, ouverte à tous. Elle a mobilisé plus de 5 200 participants et généré quelque 144 000 contributions. L’objectif de la démarche : définir les politiques qui permettront de favoriser l'évolution des modes de vie vers la sobriété. Un atelier rassemblant une quarantaine de citoyens tirés au sort a également été organisé fin novembre pour aboutir à un avis comportant une vingtaine de préconisations. Celui-ci a été présenté et adopté mercredi 11 janvier en séance plénière par les membres du Cese à l'unanimité.
Un débat national sur la répartition de l’effort
"Quand nous avons lancé nos travaux, il y a moins d'un an, il y avait de nombreuses oppositions de principe voire idéologiques contre la sobriété. Mais chacun a su faire un pas vers l’autre pour aboutir à un consensus et s'accorder sur le fait que c'est un élément essentiel de la transition écologique, analyse Sylvain Boucherand, président de la Commission environnement au sein du Cese. Cet avis pose la première pierre vers l'élaboration d'une politique de sobriété qui nous permette de répondre à la fois aux enjeux environnementaux et aux inégalités sociales".
L’avis, qui a tout de même fait l’objet de 260 amendements, s’ouvre par une définition de la sobriété, souvent confondue avec l’efficacité énergétique car réduite à la seule question de l’énergie. Elle est décrite comme un "ensemble de mesures, d’organisations collectives et de pratiques du quotidien qui évitent et réduisent la demande en énergie, matériaux, sol et eau tout en assurant le bien-être pour tous dans les limites planétaires." Albert Ritzenthaler, rapporteur de l’avis, précise : "Nous soulignons ici l’importance des politiques publiques car les écogestes aujourd'hui mis en avant ne suffisent pas, mais aussi le fait que la sobriété est indispensable et qu’elle n’est pas qu’une question de conjoncture".
Séance #sobriété
"Les 19 préconisations posent les conditions des politiques publiques de sobriété autour de 5 axes, impliquant tous les acteurs pour répondre aux défis de la sobriété, notamment par le portage des dynamiques territoriales & citoyennes" conclut @alritzen. pic.twitter.com/45JJMCByQR— CESE (@lecese) January 11, 2023
Parmi les préconisations, il y a notamment celle d’organiser un débat national afin de définir les critères de répartition des efforts en fonction des revenus, de l’âge ou encore du type d'habitation. Les débats ont également porté sur la nécessité de négocier l'organisation du travail, dont le temps de travail, le télétravail et les plans de mobilité car il est reconnu que la sobriété va nécessiter du temps (pour cuisiner à partir de produits bruts ou se rendre au travail en mobilités douces). Il est aussi suggéré d'inscrire la sobriété dans les politiques et la législation européennes ou encore de créer et soutenir des projets de sobriété territoriaux.
"Le consensus sur la sobriété est nouveau"
"Les débats n’ont été ni tristes ni anxiogènes", témoigne Marylène Bouland, l’une des citoyennes ayant participé aux travaux. "Nous pouvons imaginer un récit dans lequel le bonheur n’est pas basé sur la consommation", abonde Jacques Fauré, un autre des citoyens mobilisés. "Nous sommes face à des changements structurels de société et de modes de vie", alerte Sylvain Boucherand. "La sobriété ce n’est pas tout abandonner mais devenir raisonnable", résume-t-il.
Depuis le 9 janvier, sur Twitter, le compte du Réseau action climat (RAC) est "usurpé" pendant une semaine par "Sobri", une fausse intelligence artificielle qui répond à toutes les questions sur la sobriété. L'objectif est de permettre aux citoyens de s'approprier le sujet et d'expliquer que "la sobriété c'est pas juste l'énergie, c'est pas juste cet hiver ; c'est le fait de consommer moins pour permettre à d'autres de consommer correctement, dans le respect des limites planétaires", précise Anne Bringault, coordinatrice du Rac.
"Le consensus sur la sobriété est nouveau, a reconnu Thomas Lesieur, commissaire général au développement durable, représentant le gouvernement à la tribune du Cese. Il suppose un changement de paradigme économique qui doit se faire à toutes les échelles. Celui-ci sera inscrit dans la planification écologique." Le dernier rapport du Giec estime que la sobriété peut réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40 à 70 % d'ici 2050.
Concepcion Alvarez @conce1