Publié le 06 mai 2020
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Ce n'est pas qu'une impression : le prix des produits frais explose en France
C'est un sentiment que beaucoup de Français partagent et elle vient d'être confirmée par l'Insee. Les prix des produits frais ont flambé de 18 % en un an, surtout à cause du confinement. Entre la priorité donnée aux produits agricoles français, plus chers car plus qualitatifs, la hausse des coûts du transport ou encore la pression sur la chaîne d'approvisionnement liée aux surstocks de certains Français... La pression croît.

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"Toi aussi, tu payes tes courses plus chères ?". Cette question occupe une bonne partie de nos conversations avec nos amis et familles, chacun y allant de son argument pour justifier cette tendance. 86 % des consommateurs estiment ainsi que les produits alimentaires et de grande consommation ont augmenté pendant le confinement, selon une étude de Bonial, spécialisée dans le marketing numérique publiée fin avril.
Si, jusqu’ici, cette augmentation n’était qu’une impression, les chiffres de l’Insee viennent enfin la corroborer, en tout cas sur les produits frais. Les prix se sont en effet envolés de 18 % dans ce rayon au cours des douze derniers mois, en grande partie à cause du confinement. Les raisons sont multiples mais il faut d’abord regarder du côté de l’approvisionnement.
Avant que les Français soient confinés, 50 % des fruits et légumes consommés en France étaient importés, en provenance généralement d’Espagne où le salaire est plus bas et les variétés cultivées moins qualitatives. Or, pour soutenir la filière française, les distributeurs se sont engagés en priorité à s’approvisionner en local. Ce "patriotisme alimentaire" comme l’a baptisé le ministère de l’Agriculture Didier Guillaume a un coût non négligeable pour les consommateurs.
Le prix des transports a flambé de 30 %
Le spécialiste de la grande distribution Olivier Dauvers a ainsi posté une photo le 28 avril d’un étal de tomates. Celles de France sont affichées à 2,27 euros le kilo et celles du Maroc à 1,59 euro. Une différence énorme du fait que l’Hexagone propose peu de produits frais d’entrée de gamme. D’autant que les agriculteurs ont dû faire face à une pénurie de main-d’œuvre. Habituellement, les travailleurs saisonniers étrangers viennent prêter main-forte pour les récoltes, mais avec la fermeture des frontières, les agriculteurs ont eu du mal à recruter.
À cela s’ajoute la pression de la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire. Certes, cette dernière, a, réussi à éviter la pénurie malgré des ruptures sur certains produits dont la farine par exemple. Mais la ruée des Français dans les supermarchés a créé une véritable tension obligeant le secteur à s’approvisionner avec des nouvelles marques, parfois plus chères que les habituelles. Surtout, les frais de transport ont explosé. Selon le président d’Interfel, l’interprofession des fruits et légumes, ils ont flambé de 30 %. "En temps normal, les camions, après avoir déchargé leurs navets ou leurs pommes, reviennent en livrant des produits industriels ou pharmaceutiques. Comme la plupart des usines sont à l’arrêt, ils rentrent désormais à vide, ce qui ne permet plus d’amortir le coût de transports", explique Laurent Grandin dans les colonnes du Parisien.
La consommation de produits frais s'effondre
Un autre élément vient jouer un rôle dans cette augmentation des prix : celui des emballages. Avec la propagation du Covid-19, les Français ont tendance à privilégier les fruits et légumes emballés. Ce sont des frais en plus pour les industriels qui affirment être déjà sous l’eau. "Les entreprises de l’alimentation supportent des hausses de coût directement liées à l’augmentation des prix des matières premières, des coûts de maintenance des outils de production ou encore de l’achat des équipements de protection des salariés", affirmait le 17 avril l’Association nationale des industries alimentaires (Ania). "Ces hausses de coûts, remontées par l’ensemble des industriels sont comprises entre 3 % et 16 %", estimait la Fédération.
Face à la hausse des prix, la consommation des produits frais s’effondre, affirment les distributeurs. Pour soutenir les filières agricoles, Leclerc a mis en place un "ticket solidaire" avec une baisse de 20 %, chaque semaine, sur un produit frais de saison comme les fraises ou asperges. Il a également bloqué les prix de sa marque de distributeurs. Même engagement du côté d’Intermarché qui a gelé les prix de 10 000 produits de marques national ou distributeur pour défendre le pouvoir d’achat des Français.
Reste que, de manière globale, les prix à la consommation ont eux augmenté de seulement 0,4 % depuis un an. Le tarif de l’essence par exemple, s’est effondré. Mais, en temps de confinement, les Français n’ont pas pu se rendre compte de cette baisse puisqu'ils ne se déplacent pas ou peu.
Marina Fabre, @fabre_marina