Publié le 12 novembre 2018
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Amazon mise sur les producteurs locaux pour redorer son image
Amazon vient de lancer une boutique dédiée aux producteurs français locaux. L'occasion pour ce géant du commerce en ligne de redorer son image et un vrai tremplin pour les producteurs français en terme de visibilité et de volume des ventes. Mais cette annonce n'est pas sans risque. Entre dépendance et monopole alimentaire, l'issue reste incertaine.

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Y a-t-il encore un secteur qui échappe aux tentacules d’Amazon ? Le géant du commerce en ligne a annoncé, le 8 novembre, la création d’une "boutique des producteurs". 2 000 références de produits français et haut de gamme vont être vendues sur la plateforme et seront accessibles dans toute l’Europe.
"Dans le cadre des États généraux de l’alimentation, un sujet a émergé, c’est celui de la juste reconnaissance des savoir-faire français et la juste rémunération des producteurs français. On lance donc cette boutique dans cet esprit-là", a expliqué à Europe 1 Frédéric Duval directeur général d'Amazon. Concrètement, les producteurs fixeront eux-mêmes les prix. Ils devront par contre s’acquitter d’un abonnement mensuel de 39 euros. Quant à Amazon, il percevra 8 à 15 % de commission sur les ventes.
Les petits sites e-commerce vont disparaître
"Il ne fallait pas que je loupe le coche", témoigne Delphine Liegeois. Cette productrice de safran dans les Ardennes a tout de même hésité avant de franchir le pas. "Amazon a un potentiel énorme, ça nous donne une vraie visibilité mais ces gigantesques plateformes font toujours peur, on craint d'être avalé", souligne la productrice.
Pour se prémunir, elle compte conserver son propre site Internet et continuer de vendre ses produits sur d’autres plateformes. Malgré cette précaution, la nouvelle position d'Amazon sonne pour les producteurs comme "le début de la fin des petits sites e-commerce dans les deux trois ans à venir", explique à l’AFP Vianney Bellanger, gérant d’une chocolaterie au Mans et également partenaire d’Amazon. "Les ventes sur internet risquent de se concentrer à terme sur les plus gros", craint-il.
Une trop grande dépendance des producteurs à Amazon
Une peur partagée par Guy Kastler de la Confédération paysanne. Car au-delà de la disparition des sites en ligne, c'est la dépendance des agriculteurs envers Amazon que le producteur dénonce. "Il y a un vrai problème de centralisation et de dépendance des agriculteurs. Ce monopole de plus en plus important fonctionne de la même manière que les supermarchés qui ont fait fermer les petits commerces", estime-t-il.
Même le gouvernement s’inquiète de l’impact de ces géants en ligne sur le tissage territorial des PME. "Alerté par les chefs d’entreprise depuis sa prise de fonction", le secrétaire d’État au numérique, Mounir Majoubi, a lancé en juillet "un espace en ligne afin de recenser les difficultés rencontrées par les PME françaises avec les plateformes de vente en ligne", a ainsi annoncé le ministère.
"Amazon n'est pas là pour tuer les petits producteurs"
Reste que "Amazon n’est pas là pour tuer les petits producteurs", défend Frank Rosenthal, consultant et spécialiste de la distribution. "L’enjeu pour lui est de casser son image de multinationale, de changer la perception des Français mais aussi de surfer sur la tendance très forte de la consommation locale".
Dans ce secteur, Amazon a en effet du chemin à parcourir. Selon une analyse menée par le Journal du Net, sur le marché français, entre le 13 septembre et le 4 octobre 2018, sur 450 produits populaires vendus par Amazon, 136 provenaient de Chine.
Marina Fabre @fabre_marina