Publié le 21 mars 2018
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Leclerc contre les agriculteurs : qui dit vrai sur la hausse des prix de l'alimentation
Pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement, la nouvelle loi issue des États généraux de l'alimentation prévoit d'augmenter le seuil de revente à perte de 10 %. Une mesure qui permettrait de faire baisser la pression sur les produits agricoles en augmentant le prix sur les produits de marques comme le Nutella, le Coca ou les couches Pampers. Mais selon Leclerc, elle va faire baisser le pouvoir d'achat des consommateurs et ne pas va améliorer le revenu des agriculteurs.
@Marinafabre
Les consommateurs sont-ils les pigeons des États généraux de l’alimentation ? À en croire Michel Edouard Leclerc, président du groupe éponyme, pas de doute. Avec la nouvelle loi, les consommateurs vont trinquer. Dans son viseur : le seuil de revente à perte. C'est-à-dire le seuil en dessous duquel les distributeurs ne peuvent vendre un produit.
À l’issue des États généraux de l’alimentation, dont le but était de trouver une porte de sortie à la crise agricole, les distributeurs, industriels, agriculteurs et représentants de l’État se sont mis d’accord sur plusieurs points. D’abord, la prise en compte par les distributeurs du coût de production des agriculteurs dans le prix de vente final. Ensuite, l’encadrement des promotions, un moyen de baisser la pression sur les prix. Enfin, la hausse de 10 % du seuil de revente à perte.
Ces trois outils seront intégrés dans la loi issue des États généraux de l’alimentation qui n’a pas encore été votée. Elle est attendue d'ici la fin du premier semestre 2018. En attendant, tous les distributeurs ont signé une charte pour d'ores-et-déjà respecter ces mesures. Or, Michel-Édouard Leclerc s’est toujours opposé à une hausse du seuil de revente à perte qui n’améliorera "ni le revenu de nos agriculteurs, ni le pouvoir d’achat des Français", estime-t-il.
Zéro marge sur les produits de marques
De son côté, Système U veut tester le principe. "Sur les 20 000 références disponibles dans un supermarché, toutes ne sont pas vendues avec le même taux de marge", explique à Novethic un porte-parole du groupe. "Les produits qui sont soumis à des comparateurs de prix, comme le Coca-Cola, le Nutella ou les couches Pampers, sont vendus avec zéro marge", poursuit le distributeur. Une stratégie qui permet aux distributeurs d’avoir des produits d’appel alléchant.
Pour compenser ce manque à gagner, les distributeurs "surmargent" sur d'autres références, comme les produits agricoles. Or, augmenter de 10 % le seuil de revente à perte, sur ces produits de grandes marques comme Nutella ou Coca, permettrait de mettre fin à la guerre des prix, estime le gouvernement. "C’est une expérimentation. Ce qui anime notre PDG, Serge Papin, c’est de trouver une solution à la crise agricole. On regrette l’immobilisme de certains de nos adversaires", tacle le groupe.
Leclerc fait pression sur les agriculteurs
Sauf que pour Michel-Édouard Leclerc, il n'est pas nécessaire de faire payer les consommateurs pour mieux rémunérer les agriculteurs. Interrogé sur BFM TV, le président du groupe a indiqué qu'il était capable de "payer plus cher le produit agricole" grâce à "des bons modèles logistiques" sans pour autant répercuter ces tarifs sur les consommateurs.
Des propos qui ont considérablement irrité la FNSEA, principal syndicat agricole. "Alors pourquoi il ne le fait pas déjà comme il s'y est engagé", rétorque Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA. "Aujourd’hui, dans les négociations commerciales, Leclerc ne respecte pas la charte d’engagement qu’il a signé. Il continue de faire pression sur les prix et de brandir le drapeau d'une baisse de pouvoir d'achat", dénonce t-il.
"Le consommateur ne payera pas plus", estime le ministre de l'Agriculture
Michel-Édouard Leclerc est, en revanche, soutenu par l'association de consommateurs UFC- Que choisir. Selon elle, la nouvelle loi aurait pour conséquence une augmentation de 5 milliards d’euros pour les consommateurs soit 177 euros par ménage. A contrario Christiane Lambert, présidente de la FNSEA évoque une augmentation de 3,21 euros par ménage et par mois.
Pour Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture, "il n’y a pas de raison que le consommateur demain doive payer plus cher" car il y aura un "lissage". Le but est de "redonner des marges de manœuvres aux agriculteurs", a-t-il expliqué sur France Info le 20 mars. "On ne gagne pas sa vie sur le dos des autres", a-t-il ajouté, pointant du doigt les prises de position de Michel-Édouard Leclerc.
Marina Fabre, @fabre_marina