Publié le 28 août 2018
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Un documentaire met en lumière les failles de l'empire Starbucks
Starbucks sans filtre, une enquête documentaire programmée le 28 août sur Arte, déconstruit la stratégie sur laquelle la marque américaine a bâti son empire pour en exposer les failles, employée infiltrée et caméra cachée à l'appui.

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En septembre Starbucks, géant américain du café, va mettre pour la première fois les pieds en Italie, pays de l’espresso, en ouvrant une immense boutique à Milan. Quels sont donc les ressorts du "succès phénoménal" de cette enseigne, présente dans 75 pays avec 28 000 cafés ? C’est la question que se sont posés les journalistes Luc Hermann et Gilles Bovon. Leur enquête a duré un an et elle dévoile des coulisses un peu moins vertes que ce que vend la marque dans sa communication.
Derrière la "communication bien huilée" de son président Howard Schultz (qui a quitté le groupe en juin), avec des discours humanistes et environnementaux aussi "rares" qu’"audacieux" pour un mastodonte de l’économie américaine, beaucoup de "bluff", juge ainsi Luc Hermann, lors d’un entretien avec l’AFP. Cette communication est aussi "d'un potentiel candidat à la Maison Blanche en 2020", souligne le documentariste, par ailleurs producteur de l'émission Cash Investigation pour France 2, qui a sollicité en vain un entretien avec le grand patron.
Énorme pression sur les baristas
Le groupe s’est également montré peu transparent, autorisant l’équipe à tourner dans plusieurs Starbucks à travers le monde (Londres, paris, Washington et Shangai) mais avec "interdiction de parler aux employés", pourtant qualifiés de "partenaires" dans les discours de la marque, souligne le journaliste. Après six mois d'enquête, les auteurs se sont donc "résolus à infiltrer" une journaliste, embauchée comme "barista" dans un Starbucks parisien où elle a filmé en caméra cachée pendant deux mois.
Ce stratagème montre "l'énorme pression mise sur les cadences de travail" et "une taylorisation extrême" de l'activité, dénonce Luc Hermann. Payés au smic, équipés de chronomètres, les "barista" sont en fait des employés à tout faire. Olivier de Mendez, le patron de Starbucks France, lui préfère parler de postes "multitaches".
Une fiscalité très optimisée
Autres désillusions, celles portant sur "le commerce équitable que [Starbucks] affirme pratiquer" et la politique environnementale du groupe, portant mises en avant dans sa communication. L'équipe s'est rendue au Mexique pour rencontrer des producteurs de café d'une petite coopérative du Chiapas qui racontent la déconvenue de leur partenariat avec Starbucks quand "plusieurs intermédiaires avec des commissions au passage leur ont été imposés". Le documentaire soulève aussi le problème des "quatre milliards de gobelets non-recyclables, en plastique recouverts d'une pellicule de papier", jetés chaque année
Enfin, dernier point noir, celui de la fiscalité. L'exercice fiscal 2017 du groupe de 330 000 salariés affichait un chiffre d'affaires de 22,4 milliards de dollars, pour un bénéfice net de 2,88 mds. Or, en France, malgré 100 millions de recettes, Starbucks ne fait pas de bénéfices et se trouve même "endetté", affirme Olivier de Mendez dans le film. "Leurs coûts sont très élevés, avec tout un système d'optimisation fiscale, de redevances, de copyrights sur le marketing... l'entreprise est endettée auprès des filiales Starbucks", traduit de son côté le documentariste. En 2015, la Commission européenne avait sommé Starbucks de payer 30 millions d'euros aux Pays-Bas pour avoir bénéficié d'un dispositif lui permettant de réduire sa charge fiscale.
La rédaction avec AFP