Publié le 15 janvier 2018
SOCIAL
Travail des enfants et conditions indignes : Samsung visé par une plainte en France
Deux ONG ont porté plainte jeudi 11 janvier contre Samsung et sa filiale française. Le géant sud-coréen est accusé de violation des droits de l’Homme dans des usines chinoises. Une accusation d'autant plus importante que la multinationale affiche l'ambition - trompeuse pour les consommateurs - l'une des entreprises les plus éthiques au monde.

Zhang Chunming / Imaginechina / AFP
Cette fois c’est la bonne, veulent croire Sherpa et Peuples solidaires. Les deux ONG s’attaquent de nouveau au mastodonte sud-coréen, avec un dossier bien fourni sous le bras. Samsung, et sa filiale française, Samsung Electronics France, sont visés par une plainte devant le tribunal de grande instance de Paris pour pratiques commerciales trompeuses. Le leader de la téléphonie est accusé de violation des droits de l’Homme dans des usines chinoises.
En 2014, le parquet de Bobigny avait classé sans suite la plainte des associations qui ne visaient alors que la filiale française. Elles disposent cette fois de davantage de preuves pour dénoncer "l'emploi d'enfants de moins de seize ans, des horaires de travail abusifs, l'absence d'équipements appropriés aux risques encourus, des conditions de travail et d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine et l'utilisation de benzène et de méthanol qui aurait causé des maladies incurables chez plusieurs employés", détaillent-elles dans un communiqué.
72 heures par semaine
Les nouveaux éléments sont tirés de nouveaux rapports d'enquêtes très documentés de l'ONG China Labor Watch (CLW) qui s'est infiltrée dans les usines de filiales du groupe et de ses fournisseurs, principalement près de Pékin. "Les employés travaillent en moyenne 72 heures par semaine, parfois plus en période de forte activité. Au mépris de la loi chinoise limitant à 44 heures le temps de travail hebdomadaire", affirment les associations.
Dix enfants de moins de 16 ans, dont trois jeunes filles, travaillaient dans les usines de certains fournisseurs de Samsung en 2012, selon CLW. Entre cinq et dix enfants en dessous de l'âge légal étaient encore identifiés lors de plusieurs visites des enquêteurs en 2014 dans une autre usine.
La présence de produits toxiques comme le benzène, utilisé comme agent nettoyant et comme enduit pour des composants électroniques, est également démontrée. Il serait à l'origine de cancers et de leucémies. Et, toujours selon la plainte, les salariés sont fréquemment contraints d'effectuer des tâches dangereuses sans protection adéquate.
Pratiques commerciales trompeuses
Ces faits contredisent les engagements éthiques et le propre code de conduite du groupe qui présente sur ses sites Internet son ambition de "devenir l'une des entreprises les plus éthiques au monde". Des contradictions qui constituent, selon les associations, des "pratiques commerciales trompeuses" pour les consommateurs français et qui légitimeraient donc une procédure pénale en France.
"Nous demandons à la justice de sanctionner cet écart inacceptable entre ces engagements éthiques et la réalité dans les usines telle que décrite par les ONG de terrain", écrivent les associations. "Alors que les multinationales utilisent notamment ces engagements éthiques pour maintenir leur compétitivité, les ouvriers et consommateurs sont démunis face au non-respect de ces engagements. La reconnaissance du délit de pratiques commerciales trompeuses permettrait de rétablir ce rapport de force déséquilibré", selon elles.
Les ONG peuvent s’appuyer sur un contexte favorable en France avec l’adoption en mars 2017 de la loi sur le devoir de vigilance qui oblige les grands groupes à prévenir les violations des droits humains sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Un tel texte est actuellement en négociation au niveau onusien.
Concepcion Alvarez @conce1