Publié le 25 mars 2021
SOCIAL
Télétravail, du rêve au cauchemar
Alors que les contaminations au travail représentent 15 % des cas identifiés de Covid-19, Emmanuel Macron a, une nouvelle fois, demandé aux entreprises de pratiquer davantage le télétravail. Si les employeurs sont montrés du doigt, de plus en plus de salariés rechignent pourtant à télétravailler. Près de la moitié des télétravailleurs seraient même en situation de détresse psychologique.

@Jun
Il y a encore quelques mois, le télétravail était le Graal pour nombre de salariés qui défendaient ses bienfaits : moins de transports en commun, plus de repos, davantage de concentration… Pendant des années, des salariés ont négocié avec leurs employeurs pour pouvoir mettre un pied dans ce monde idéalisé. Un an plus tard, le Covid-19 a changé la donne. Le gouvernement a fait du télétravail une arme contre la propagation du virus. Et cette transformation à marche forcée a des conséquences parfois désastreuses.
Si ses mérites ne sont pas remis en cause, le télétravail à si haute dose est en train de devenir un risque psychosocial au travail, selon le dernier Baromètre sur le sujet réalisé par OpinionWay pour le cabinet Empreinte Humaine. "Là où on avait un fort engouement il y a un an pour le 100 % télétravail, celui-ci a fortement diminué. Pour une bonne partie des télétravailleurs, il se confirme que l’absence de lien social avec les collègues appauvrit l’expérience du travail qui devient plus monotone", explique Christophe Nguyen, psychologue du travail et président d’Empreinte Humaine. 49 % des télétravailleurs seraient en situation de détresse psychologique. Le taux monte même à 75 % lorsque les surfaces d’habitation des télétravailleurs sont de moins de 40 m².
Le télétravail diminue d’un quart les cas sévères de Covid-19
Les jeunes et les femmes sont particulièrement touchés. Selon une récente étude du Boston Consulting Group, 34 % des femmes en télétravail s’estiment sur le point de craquer ou de faire un burn-out. C’est 21 points de plus que les hommes. Face à ce constat, le taux de personnes en télétravail tend à baisser. S’il avait explosé lors du premier confinement, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, note une "érosion significative" depuis. Au point qu’Emmanuel Macron, en visite dans un centre de vaccination le 23 mars, a dû taper du poing sur la table.
"Je le demande instamment à tous les employeurs, à toutes les entreprises, à toutes les personnes qui peuvent faire un télétravail, il faut au maximum s’y mettre parce que notre objectif c’est de réduire les cas contacts", a-t-il souligné. Selon l’Institut Pasteur, les contaminations au travail représentent 15 % des cas identifiés de Covid-19. Or télétravailler permet de diminuer d’un quart les cas sévères de Covid-19 d’après une étude de l’Institut et de l’Assurance Maladie. Pour maintenir la pression sur les entreprises, l’Exécutif vient de demander aux employeurs de mettre en place des "plans d’action" afin de pousser les salariés à recourir au télétravail.
Lassitude et écœurement
"Aujourd’hui, une forme de lassitude prévaut et il devient de plus en plus difficile aux employeurs d’imposer le télétravail. De nombreux salariés disent souffrir d’isolement et souhaitent retrouver les locaux de l’entreprise. (…) C’est le moment que choisit le gouvernement pour menacer et imposer de nouvelles obligations administratives", dénonce la Confédération des PME dans un communiqué. Même son de cloche pour le Medef. "On comprend les difficultés et on a notre rôle à jouer, mais pointer du doigt les entreprises comme le fait le gouvernement ce n’est ni juste ni raisonnable", explique le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, invité des 4 vérités de France 2. Le gouvernement a lâché du lest en proposant un jour en présentiel pour les salariés en demande, mais cela semble loin d’être suffisant.
La question est également de savoir si le télétravail, révolution tant attendue par une partie des salariés, survivra au Covid-19. L’application à l’extrême de ce mode de travail a viré à l’écœurement pour certains. Reste qu’une barrière culturelle pourrait bien avoir été franchie. "Mon vœu, c’est que le télétravail survive à cette pandémie", souhaite pourtant le Premier ministre Jean Castex qui y voit un "héritage positif" de la crise.
Marina Fabre, @fabre_marina