Publié le 25 avril 2023

SOCIAL

Largement plébiscitée, la semaine de quatre jours doit encore trouver la bonne formule

La semaine de quatre jours séduit de plus en plus partout en Europe. Après la Belgique, l’Islande ou encore l’Angleterre qui vient de rendre les conclusions de son expérimentation, c’est aujourd’hui au tour des fonctionnaires français de tenter l’expérience. Un modèle plébiscité par de nombreux salariés, à condition qu’il soit adapté au contexte de chaque entreprise.

Semaine de quatre jour experimentation france Unsplash
95% des salariés interrogés par le cabinet de recrutement Walters People souhaiteraient travailler quatre jours au lieu de cinq.
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C’est un nouveau pas vers la démocratisation de la semaine de quatre jours. En Picardie, 200 fonctionnaires de l’Urssaf ont la possibilité depuis début mars 2023 de tester cette organisation plus que jamais d’actualité. Sur la base du volontariat, les agents peuvent désormais concentrer leur temps de travail, soit 36 heures hebdomadaires, sur quatre jours au lieu de cinq habituellement. Annoncée par Gabriel Attal, cette expérimentation prendra place durant un an.

"La semaine de 35 heures en quatre jours, que 10 000 Français expérimentent déjà dans des secteurs économiques très variés comme le recyclage industriel ou l'informatique, cela peut être moins de temps passé dans les transports, moins de stress, et au final, plus de bien-être au travail", admet le ministre délégué aux Comptes publics auprès de L’Opinion.

Mais si un sondage relayé par le quotidien mentionne 70% de salariés favorables, dans les faits seule une poignée aurait sauté le pas en Picardie. En cause : une organisation peu adaptée à la charge de travail et aux contraintes personnelles des agents. Pour autant, l’expérimentation se poursuit et devrait livrer ses conclusions dans quelques mois.

Un test à grande échelle concluant

Loin d’être une formule magique, donc, la semaine de quatre jours reste toutefois plébiscitée par de nombreux salariés français, en particulier dans un contexte de remise en question de notre rapport au travail. Selon une enquête menée en mars 2023 par le cabinet de recrutement Walters People auprès de 1 000 professionnels issus de fonctions support et financière en France, 95% souhaiteraient sa mise en place dans leur entreprise. Tandis que 76% des salariés interrogés seraient prêts à concentrer leurs heures de travail sur quatre jours, 20% préfèreraient les réduire, "quitte à ce que leur rémunération soit légèrement impactée" note le cabinet.

Autre enseignement, pour obtenir la mise en place de la semaine de quatre jours, les travailleurs pourraient abandonner certains avantages, comme les formations (46%) ou le télétravail (41%). Mais pour une grande majorité d’entre eux, le jeu en vaut la chandelle. 90% estiment que ce fonctionnement constituerait un "vrai atout pour leur bien-être", leur permettant d’être plus productifs (54%). Des chiffres qui rejoignent les conclusions d’une étude menée l’année dernière en Angleterre.

Cette expérimentation, la plus grande organisée jusqu’ici, a impliqué près de 3 000 salariés répartis dans 61 entreprises, entre juin et décembre 2022. Quelques mois plus tard, en février 2023, les universités de Cambridge et du Boston College, en partenariat avec 4 Day Week et le think tank Autonomy, à l’origine du projet, livraient leurs résultats. Plutôt encourageants, ils révèlent que 92% des sociétés participantes ont fait le choix de maintenir cette organisation. Ces dernières ont pu observer une amélioration de la productivité pour un chiffre d’affaires stable, ainsi qu’une meilleure rétention des talents. Le nombre de départs a ainsi diminué de 57% au cours de la période d'essai.

Un modèle à adapter

Du côté des employés, l’expérience s’avère également positive. 71% d’entre eux ont constaté une baisse du taux de burn-out, tandis que 39% affirment être moins stressés. Attention cependant aux répercussions sur le long terme si un changement de modèle n’est pas envisagé, alerte Benoît Serre, vice-président délégué de l'Association nationale des DRH, interrogé par Les Echos. "Si le salarié doit faire en quatre jours ce qu'il faisait avant en cinq jours, cela va aboutir à un modèle encore plus productiviste avec des salariés travaillant à flux tendu. A terme, cela risque de conduire à une baisse de la productivité", prévient l’expert.

Une des clés de réussite selon les instigateurs de l’étude réside dans l’adaptabilité de la mesure. Les salariés participant au test ont en effet suivi la règle suivante : 80% du temps de travail pour 100% du salaire, en échange d'un engagement à fournir 100% de la production. La mise en place de la réduction du temps de travail a ensuite été laissée à la discrétion des entreprises afin de correspondre au mieux à leurs besoins et leur structure, qu’il s’agisse du "modèle classique du vendredi chômé" ou d’un lissage sur l’année par exemple.

"La semaine de quatre jours ne peut s'envisager indépendamment du contexte de l'entreprise : télétravail, organisation de la production", soutient par ailleurs Benoît Serre. "Il est impératif que la discussion relève de la négociation collective", ajoute-t-il.

Florine Morestin


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