Publié le 14 juin 2018
SOCIAL
Football : Pouvons-nous regarder la Coupe du Monde au travail ?
Pour certains, la tentation va être forte de mettre les matchs de football au travail alors que nombre d’entre eux se déroulent en plein après-midi. Lancer un streaming sur son poste professionnel ou diffuser le match sur son smartphone posé discrètement à l’abri des regards : officiellement, ce n’est pas autorisé… mais beaucoup d'employeurs ont une marge de tolérance.

@GuillaumeBigot
Jeudi 14 juin à 17h00, les entreprises risquent de constater une baisse de productivité de leurs équipes et une hausse de l’utilisation de la bande passante sur leur réseau informatique. Ce sera le coup d’envoi du premier match de la Coupe du Monde de football en Russie qui se déroule jusqu’au 15 juillet. En ouverture, ce Russie-Arabie Saoudite va attirer aussi bien les curieux désireux de faire une petite pause que les aficionados du ballon rond qui suivront les 90 minutes de la rencontre.
La situation risque de s’aggraver les jours de matchs de l’équipe tricolore avec France-Pérou jeudi 21 juin à 16h00 et Danemark-France mardi 26 juin à 16h00. Viendront ensuite les huitièmes, les quarts, les demis et la grande finale où nous espérons bien voir les coéquipiers d’Olivier Giroud briller ! Or, plusieurs matchs se dérouleront durant les horaires de travail. Les salariés ont-ils le droit de les regarder et que craignent-ils ?
Une pratique non autorisée
Pour Sophie Chatagnon, avocat associé chez Cornet Vincent Ségurel et spécialiste du sujet, les données sont simples : "Il n’y a pas de droit qui encadre ce genre de pratiques. Le code du travail indique que le salarié doit se conformer aux directives de l’employeur". Elle juge toutefois qu’il y a une certaine tolérance, un salarié peut très bien regarder les matchs pendants une pause.
"Tout est une question de dosage et d’entente avec le management. Regarder les matchs toute la journée est impossible. Le salarié risquerait a minima une mise en demeure verbale, et s’il insiste une mise en demeure écrite et un avertissement", explique l’avocate. Selon elle, toutefois, un licenciement ne pourra intervenir que dans le cas d’un salarié qui a déjà un dossier.
Même l’emploi du réseau de l’entreprise et du poste du salarié n’est pas une faute en soit. Une utilisation "raisonnable" des outils informatiques à des fins privées est autorisée. Dans les entreprises de plus de 20 personnes, il y a une charte informatique annexée au règlement intérieur. Cela cadre ce qui est autorisé et les sanctions en cas d’abus.
Responsabilité individuelle et managériale
Emmanuelle*, directrice des Ressources humaines d’un groupe de 10 000 personnes, se dit très étonnée que la question ait été abordée lors de son dernier comité d’entreprise. Elle se refuse à donner une consigne générale. Pour elle, c’est une question d’égalité entre les salariés. Certains auraient le droit de voir les matchs, car leur activité le leur permet, alors que d’autres, sur le terrain, n’y auraient pas accès. Elle juge que les managers d’équipes doivent prendre leur responsabilité sur ce sujet.
Sophie Chatagnon poursuit ce raisonnement : "Si un ouvrier sur une chaîne de production regarde les matchs de football sur son smartphone, il y a un vrai risque. Il appartient à l'employeur de le sanctionner pour protéger sa vie". Emmanuelle appuie : "Je préfère que les mordus de football prennent une demi-journée, si c’est important pour eux. Ce sera à chaque manager de gérer cette contrainte".
Pour Marie*, chargée des Ressources humaines dans une PME de 15 personnes, la situation est un peu différente. "Il faut bien que les salariés puissent s’aérer un peu la tête. Ils peuvent prendre cinq minutes de pause pour regarder le score. C’est une question de responsabilités de chaque salarié selon le travail qu’il a à faire. En cas de rush ou de demande express, il devra bien sûr faire son travail sans délai".
Ensuite, si les Bleus atteignent les phases finales, elle n'exclut pas de diffuser le match en salle de réunion pour mobiliser l’équipe…
Ludovic Dupin, @LudovicDupin
*les prénoms ont été changés.