Publié le 20 septembre 2018
SOCIAL
Pourquoi le "revenu universel" d'Emmanuel Macron n’en est pas vraiment un ?
Apparu dans le débat public lors de la dernière campagne présidentielle, le revenu de base refait parler de lui. Thème cher à Benoît Hamon, c’est pourtant Emmanuel Macron qui l’a repris à son compte en annonçant la création en 2020 d’un revenu universel d’activité, dans le cadre de son plan de pauvreté. Pourtant, les deux hommes ne parlent pas tout à fait de la même chos

@Nepsie
Usurpation, hold-up, détournement, malhonnêteté politique, entourloupe… À en croire ces réactions, l’annonce du Président de la République ne soulève pas l'enthousiasme. Dans le cadre de son plan de lutte contre la pauvreté, présenté le 13 septembre, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d’un revenu universel d’activité en 2020.
Eric Ciotti, député LR, s’est tout de suite insurgé : "Quelle démagogie irresponsable ! Le revenu universel revient à payer tout le monde à ne rien faire. Hamon en rêvait, Macron l’a fait !"…
Quelle démagogie irresponsable! Le revenu universel d'activité du #planpauvreté revient à payer tout le monde à ne rien faire. #Hamon en rêvait, #Macron l'a fait! Ceux qui à droite l’ont soutenu et le soutiennent font face à un petit problème de cohérence... #naufrageenmarche
— Eric Ciotti (@ECiotti) 13 septembre 2018
Mais que le député des Alpes-Maritimes se rassure : le revenu universel ce n’est pas pour tout de suite. Emmanuel Macron a d’ailleurs lui-même mis les points sur les "i" sans tarder. "Je n'ai jamais cru au revenu universel sans condition d'activité qui croit pouvoir donner quelques centaines d'euros pour solde de tout compte. Cela revient à se satisfaire de reléguer à vie des gens dans la pauvreté," a-t-il précisé.
Personne n'est dupe
Le revenu universel d’activité proposé par le Président devrait fusionner "le plus grand nombre de prestations sociales (RSA, APL, prime d’activité)" et ressemble davantage à l’Allocation sociale unique promise pendant sa campagne. Car, contrairement à un "vrai" revenu universel, le "revenu universel d’activité" sera conditionné. Les bénéficiaires le toucheront en dessous d’un certain seuil de ressources et ils auront l’obligation de s’inscrire dans un parcours d’insertion. En cas de refus de deux offres d’emplois considérées comme "raisonnables", ils seront radiés.
"Je crois que personne n’est dupe", réagit Jean-Eric Hyafil, docteur en économie et spécialiste du revenu de base. "Un revenu universel par définition doit être versé à tous, sans conditions ni de ressources, ni d’activités, et de façon individuelle, même si ce dernier point est plus compliqué à réaliser à moins de lancer une grande réforme fiscale. Ce que propose Macron est un hold-up sur le nom. Son dispositif va surtout renforcer les contrôles et est donc contraire à l’idée même de revenu de base. Ça ne permettra pas de sortir de l’assistance."
Régression sociale
Même réaction du côté du Mouvement français pour le revenu de base (MFRB). "Sortir de la pauvreté ne devrait pas faire l’objet de conditions. Valoriser réellement l’apport de chaque citoyen à la société, c’est surtout reconnaître sa contribution à la production de valeurs, qu’elles soient immatérielles ou matérielles. L’instauration d’un filet de sécurité, pour permettre une réelle dignité de chacun, ne doit pas faire l’objet de contreparties", explique Nicole Teke, coordinatrice des relations publiques.
L’association s’inquiète par ailleurs d’une régression sociale car jusqu’à présent, ni le RSA, ni le RMI avant lui n’ont été autant conditionnés, car ils constituaient le dernier filet de sécurité sur lequel pouvaient compter les personnes les plus précaires. "En utilisant le terme de 'revenu universel', Emmanuel Macron dessert la cause et crée une confusion dans les esprits. Avec sa proposition, nous sommes vraiment loin d’un revenu de base tel que nous le défendons" ajoute Julie Rozé, elle aussi membre du MFRB.
Une étude de France Stratégie remise au gouvernement en juin dernier, et consultée par Le Monde, montre que la fusion de plusieurs prestations sociales pourrait faire plus de perdants que de gagnants et entraîner une baisse de ressources pour 3,55 millions de ménages. Le taux de pauvreté, quant à lui, diminuerait de 0,1 à 0,4 point en fonction du scénario retenu.
Concepcion Alvarez, @conce1