Publié le 05 août 2021
SOCIAL
Pass sanitaire : une entreprise pourra suspendre le contrat de travail, sans rémunération, d’un salarié réfractaire
Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 août, son avis sur le projet de loi portant sur l'extension du pass sanitaire. S'ils valident la plupart des mesures, les Sages ont retoqué celle permettant à un employeur de rompre de manière prématurée un CDD ou un contrat d'intérim. En revanche, une entreprise concernée par l'obligation du pass pourra toujours suspendre, sans rémunération, un salarié réfractaire. Sans solution, le travailleur pourra être licencié, assure le gouvernement.

@Riccardo Milani _ Hans Lucas _ Hans Lucas via AFP
La parole des Sages était très attendue. Le 5 août, le Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre et des dizaines de Parlementaires, a rendu son avis sur le projet de loi relatif à la lutte contre la pandémie de Covid-19 et l’extension du pass sanitaire. Ce dernier prévoit notamment la vaccination obligatoire pour certaines professions et l’extension du pass sanitaire aux activités du quotidien comme les restaurants, les bars, les cinémas, les théâtres, les musées, etc.
Si le Conseil a jugé conforme à la Constitution la majorité des dispositions concernant le pass sanitaire, certaines ont été retoquées par les Sages. C’est le cas de la mesure prévoyant qu’un employeur pouvait rompre, de manière anticipée, un CDD ou un contrat d’intérim, faute de pass sanitaire. Pour rappel, ce dernier peut être validé soit par la vaccination soit par un test négatif de Covid-19 de moins de 48 heures.
Suspension plutôt que rupture
"En prévoyant que le défaut de présentation d’un pass sanitaire constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l’objectif poursuivi", a ainsi expliqué le Conseil constitutionnel. "Il est rassurant que cette nouvelle rupture anticipée du CDD ait été censurée car elle était particulièrement injuste et sanctionnait les plus précaires", a réagi sur Twitter l’avocate en droit du Travail Michèle Bauer.
En revanche, les Sages ont validé la procédure de suspension du contrat de travail sans rémunération. Cette dernière peut intervenir si le salarié ne présente ni le résultat d’un examen de dépistage virologique négatif, ni un justificatif de statut vaccinal, ni un certificat de rétablissement. Dès que le salarié présente les justificatifs requis, la suspension prend fin. Au-delà d’une durée équivalente à trois jours travaillés, l’employeur devra convoquer le salarié à un entretien pour trouver une solution afin de régulariser sa situation. Le travailleur pourra par exemple être affecté à un poste non soumis à l’obligation du pass sanitaire.
Possible licenciement
Le gouvernement souhaitait qu’à l’issue de ces négociations, le salarié qui refuse de se soumettre à l’obligation vaccinale ou à la présentation d’un pass sanitaire, puisse être licencié. Cette mesure, très controversée, avait reçu l’aval du Conseil d’État et des députés mais a été supprimée après l’opposition des Sénateurs. Dans le cadre de cette loi, un salarié pourra donc être suspendu, sans salaire, mais pas licencié. "Il s’agit d’une sanction financière déguisée alors que normalement on n’a pas le droit de sanctionner un salarié pour des faits qui relatent de sa vie privée", a expliqué à RTL l’avocat spécialiste en droit du Travail, Christophe Noel. "On ne sait absolument pas ce que vont devenir les salariés en CDI qui verront leurs contrats suspendus, est-ce qu’ils seront licenciables ou pas ? Je pose la question, je suis avocat en droit du travail et je suis incapable de vous répondre", regrette-t-il.
La ministre du Travail, Élisabeth Borne, a été claire. Le licenciement reste possible dans les faits mais il n’est pas encadré par ce projet de loi spécifique. "On est dans le droit commun du droit du travail, la procédure de licenciement ne sera pas encadrée (par des dispositions particulières, NDR)", a précisé sur BFM TV la ministre du Travail. En cas de litige, ce seront les Prud'hommes qui trancheront au cas par cas. Mais le flou persiste. Plusieurs avocats estiment que ce type de licenciement est compliqué à mettre en place car il repose sur une "atteinte au secret médical".
Marina Fabre, @fabre_marina