Publié le 05 décembre 2022
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ODD : La France, parmi les bons élèves européens, doit néanmoins progresser sur l’esclavage moderne dans le secteur des minerais
Un nouveau rapport publié ce lundi 5 décembre montre que la France arrive au 11e rang des pays européens en matière de progression vers la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030. Mais le pays doit notamment progresser sur les ODD liés à la consommation et à la production responsable. Il arrive en effet à la deuxième place des pays européens contribuant le plus à l’esclavage moderne dans le secteur des minerais hors Union européenne.

Ye Aung Thu / AFP
Deux tiers des objectifs de développement durable (ODD) devraient être atteints d’ici 2030 par l’Union européenne et la France. C’est ce que révèle un rapport publié ce lundi 5 décembre par le Réseau des Solutions de Développement Durable (SDSN) des Nations Unies. La France se classe 11e sur 34 pays couverts par l'Indice ODD pour l'Europe 2022, avec un score de 73/100, légèrement au-dessus de la moyenne de l'UE, à 72/100. Mais comme pour la plupart des pays de l'UE, les ODD2 et 12-15 liés au climat, à la biodiversité, à la production, et à l’agriculture et la consommation durable restent plus problématiques, notamment en raison des impacts générés à l'étranger à travers la consommation domestique.
La consommation de l'UE est ainsi associée à 1,2 million de cas d’esclavage moderne (personnes astreintes au travail forcé) et à plus de 4000 accidents mortels au travail chaque année. "Et encore, si les cas d'esclavage moderne paraissent importants, ils sont sans doute sous-estimés car ce sont des situations très difficiles à prouver. En outre, ce chiffre ne prend en compte que le travail forcé et non pas le travail des enfants", commente Guillaume Lafortune, vice-président du Réseau et coauteur du rapport. "L’esclavage n’est pas un sujet loin de nous, contrairement à ce qu’on peut croire. Il concerne encore de nombreux pays européens", ajoute-t-il.
"Ne plus fermer les yeux sur nos chaînes de valeur"
Parmi ces pays, la France décroche le titre peu glorieux de deuxième pays européen contribuant le plus à l’esclavage moderne dans le secteur des minerais, indispensables à la transition énergétique et à la digitalisation de nos économies, derrière l’Allemagne et devant l’Italie, selon un autre rapport publié mi-novembre par le SDSN. Un tiers des cas de travail forcé générés par les importations européennes se situe en Corée du Nord et 17 % au Nigeria. "Le message n’est pas de dire qu’il faut tout rapatrier chez nous, mais qu’il est indispensable de ne plus fermer les yeux sur nos chaînes de valeur", rappelle Guillaume Lafortune.
"Qu'il s'agisse de puces pour la réalité virtuelle ou de cellules pour les panneaux solaires, ces transitions seront alimentées par les matières premières. Le lithium et les terres rares ont déjà remplacé le gaz et le pétrole au cœur de notre économie.[…]. C'est là que notre politique commerciale entre en jeu. De nouveaux partenariats feront progresser non seulement nos intérêts vitaux, mais aussi nos valeurs", avait aussi insisté Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, dans son discours sur l’État de l'Union le 14 septembre dernier.
Pour prévenir ces risques, la directive européenne sur le devoir de vigilance (CSDDD), qui vient d’être adoptée par le Conseil avant un trilogue en 2023, obligera les grandes entreprises mais aussi celles des secteurs à haut risque, comme l'extraction minière, à se pencher sur les pratiques de leurs fournisseurs afin que celles-ci respectent les droits humains et l’environnement. Une telle disposition s’applique déjà en France depuis 2017.
Pas de progrès depuis deux ans au niveau mondial
Mais si les choses avancent au niveau européen, au niveau mondial, les crises multiples (guerre en Ukraine, Covid-19, etc.) ont stoppé les progrès vers les ODD pour la deuxième année consécutive. "En plus de leurs coûts humanitaires très lourds, les conflits militaires provoquent des retombées considérables à l’international pour la sécurité alimentaire et les prix de l’énergie, qui sont amplifiées par la crise climatique et la crise de la biodiversité, note le SDSN. Ces conflits nous empêchent de surcroît de penser et d’investir à long-terme."
Le sujet, mis de côté depuis deux ans, revient cependant à l’agenda diplomatique. Ainsi, la déclaration finale du G20 de Bali insiste sur l’importance des financements liés aux ODD. Plusieurs annonces sur le financement du développement ont également émané de la COP27, notamment autour de la Bridgetown initiative, portée par la Barbade et soutenue par la France, qui vise à réformer le système financier international. Les assemblées du printemps du FMI et de la Banque mondiale, ainsi que le sommet sur "un nouveau pacte financier" annoncé par Emmanuel Macron pour juin 2023, devraient permettre de relancer la dynamique autour des ODD.
Concepcion Alvarez @conce1