Publié le 20 février 2015
SOCIAL
Les salariés russes victimes des sanctions économiques contre leurs entreprises
Après la crise économique, c’est la crise sociale qui guette. Les sanctions occidentales introduites depuis près d’un an à l’encontre de la Russie ainsi que la chute des cours du pétrole aggravent la récession. Avec des répercussions sur les salaires et les conditions de travail. L’espoir d’un règlement politique du conflit ukrainien, avec les nouveaux accords de Minsk, ne devrait pas suffire à améliorer la situation à court terme.

Michael Klimentev / Ria Novosti
Année rude en perspective pour les salariés russes. Leur pays a enregistré l’an dernier une fuite record des capitaux. Une fuite de 151 milliards de dollars, selon la Banque centrale. Tandis qu’elle ne se montait "qu’à" 61milliards en 2013.
D’un côté, les entreprises étrangères, refroidies par le risque de sanctions qui plane, ont quasiment cessé leurs investissements en Russie. De leur côté, les entreprises russes, en particulier dans la métallurgie, ont du mal à rembourser leur dette en devises à cause de l’effondrement du rouble. En un an, il a perdu plus de la moitié de sa valeur face à l’euro et au dollar.
En outre, elles n’ont plus le droit de se refinancer sur les marchés financiers occidentaux. La récession atteindrait cette année –3%, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI).
Au final, "25% des problèmes sont dus aux sanctions " liées à la crise en Ukraine, estimait en décembre le président Vladimir Poutine. Un manque à gagner de 40 milliards de dollars pour l’économie.
L’Etat devrait venir en aide à certaines entreprises. Mais ses recettes dépendent pour moitié de la rente pétrolière et gazière, en chute libre avec la baisse des cours mondiaux. Le gouvernement a décidé le 11 février de réduire de 15% les dépenses du budget 2015.
Salaires réels en baisse de 9% en 2015
Les autorités échouent notamment à juguler l’inflation, qui se fait ressentir au quotidien : le prix des œufs et des légumes par exemple, s’est accru de plus de 30% en janvier dans certaines régions comme Kaliningrad.
La hausse atteindrait en moyenne 15,8% cette année d’après les chiffres officiels. Si ces chiffres se confirmaient, il s’agirait d’un des plus hauts enregistrés depuis seize ans.
Les salaires ne sont pas épargnés, ils creusent une baisse déjà perceptible au 3e trimestre 2014. Elle devrait s’établir à… 9% en 2015, d’après le ministre du Développement économique Alexeï Oulioukaïev.
Certaines entreprises imposent d’ores et déjà des restrictions salariales. Le partenaire de Renault, Avtovaz, a par exemple annoncé début février la suppression du 13e mois. En ces temps difficiles, plus de la moitié des Russes y consentiraient pour conserver leur emploi – si la baisse n’est pas supérieure à 15%, selon une étude du portail Superjob.ru.
Lida, architecte, n’a pas vu son salaire diminuer, mais son entreprise a licencié 7 employés sur 10 dans son équipe: "Pour compenser, je dois rester au bureau jusqu’à 22-23 h tous les soirs, contre 19h auparavant."
C’est tout le marché de l’emploi qui devient plus tendu. Le site de référence HeadHunter note pour sa part 22% d’offres en moins et 34% de CV déposés en plus le mois dernier à Moscou, par rapport à janvier 2014.
Des grèves en hausse
"Le travail non déclaré est en forte hausse, ajoute Igor Kovaltchouk, l’un des responsables du principal syndicat alternatif KTR. Et nous devons nous battre pour défendre le Code du travail. Le RSPP (Union russe des industriels et des entrepreneurs, une organisation patronale, NDLR) tente de réduire à un mois le délai de préavis et les indemnités de licenciement."
De plus en plus d’employeurs cumulent aussi les retards de paiement. Le 4 février, par exemple, 70 salariés de l’équipementier VMZ à Vologda ont organisé une protestation "de la faim" sur le temps de pause du déjeuner à l’entrée de l’usine: ils n’ont reçu aucun salaire depuis huit mois.
Particulièrement compliquées à organiser en Russie en raison de la législation, les grèves sont pourtant en hausse en 2014. Le Centre pour les droits sociaux et du travail en a comptabilisé 293, un record depuis son premier rapport il y a sept ans. "Les salariés seront encore plus actifs cette année", prédit le syndicaliste.
Une "grande marche du printemps" se tiendra le 1er mars prochain. L’occasion pour les syndicats de faire entendre leurs revendications.