Publié le 29 août 2019
SOCIAL
Hypermarché sans caissière : ce sont les clients qui décideront
Les caisses automatiques sont-elles l'avenir de la grande distribution ? À Angers, des manifestants ont protesté contre l'ouverture d'un hypermarché Géant Casino tous les dimanches après-midi sans aucune caissière. Si ce métier est effectivement menacé par l'automatisation, les spécialistes misent plutôt sur un modèle hybride avec des caisses automatiques et des traditionnelles. Au final, c'est l'engouement des clients pour les automates qui tranchera.

Istock / bogdankosanovic
"Travaille, consomme et ferme ta gueule !". Dimanche 25 juin à Angers, dans le Géant Casino du quartier de la Roseraie, des centaines de manifestants, salariés et Gilets jaunes, ont manifesté devant et à l’intérieur du magasin. En cause : l’ouverture de l’hypermarché le dimanche après-midi et ce, sans caissière. Une première. La loi interdit en effet aux grandes surfaces alimentaires l’emploi des salariés le dimanche après 13 heures. Mais justement l’enseigne a misé sur l’automatisation. Un détournement de "l’esprit de la loi" pour certains, à tel point que le gouvernement va examiner la légalité de cette ouverture.
"Nous ne sommes pas contre vous", lance une manifestante à l’adresse des clients. "Mais vous vous rendez complices d’un système qui écrase les gens", assure-t-elle. Les syndicalistes craignent que l’automatisation du dimanche après-midi s’étende et menace le métier de caissière. À raison : selon l'Institut Sapiens, il fait partie des cinq métiers en voie de disparition à cause des nouvelles technologies. Cela concerne 270 000 personnes employées en caisse ou dans les rayons, selon les chiffres de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES).
Le futur : un modèle hybride avec et sans caissière
Il faut dire que l'automatisation est une tendance de plus en plus lourde. Selon une étude du groupe Nielsen publié en juillet, 57 % des supermarchés et hypermarchés de France proposent à la fois des caisses traditionnelles et des caisses automatiques, soit 1 887 sur 3 299. Si les magasins à être 100 % automatisés comme le Grand Casino d’Angers sont peu nombreux, le futur de la grande distribution peut donner des sueurs froides à ses salariés.
En 2017, Amazon a ainsi lancé une boutique sans caisse, sans caissière ni file d’attente. Même pas besoin pour le consommateur de scanner les produits qu’il prend, les centaines de caméras et de capteurs ont enregistré chaque produit qu’il met dans son panier. Mais sa généralisation est peu probable pour l’instant. "Je reste convaincue que le besoin de relation humaine est trop nécessaire", estime Sandrine Heitz-Spahn, maître de conférences à l'Université de Lorraine en Sciences de gestion et spécialisée dans le Marketing.
Les spécialistes prédisent plutôt un modèle hybride. "Ce que veulent les clients, c’est réduire au maximum l’attente. Pour des petites courses, la caisse automatique est plus rapide mais si vous avez un chariot rempli, la caissière, qui a l’habitude de manipuler les produits, va aller plus vite", avance Frank Rosenthal expert en marketing du commerce. Surtout, une partie des clients recherchent le lien social.
Les clients sont rois
Pour retenir les clients dans leur hyper, de plus en plus désavoués par les consommateurs, certaines grandes surfaces décident même d’adapter le rythme à la clientèle. Dans un hyper U de Lozère, la direction étudie la création d’une caisse volontairement plus lente pour ceux qui voudraient davantage de contact humain. "Nom de code : la blabla-caisse", relève la journaliste Florence Aubenas dans une enquête pour le Monde.
C’est surtout pour les centres urbains que la question de la rapidité et l’automatisation se pose. "Si l’expérience du Grand Casino d’Angers est concluante, cela va entraîner d’autres distributeurs sur cette lancée. Au contraire, si c’est un échec car trop peu rentable, la grande distribution va laisser tomber", explique Frank Rosenthal. C’est donc l’expérience client qui va décider de l’avenir des caissières. Casino avait ainsi testé l’ouverture d’un magasin toute la nuit à Nice. Il a décidé de stopper cette expérience faute de clients suffisant.
Marina Fabre, @fabre_marina