Publié le 07 octobre 2014
SOCIAL
États-Unis : la guerre contre les emplois du temps "yo-yo"
La chaîne de café Starbucks est au cœur d’une polémique autour du temps de travail de ses salariés, accusée de leur imposer des emplois du temps décousus, totalement incompatibles avec une vie de famille. Les confidences d’une salariée dans le "New York Times" ont trouvé un écho sur Internet: cette pratique est dénoncée de toutes parts dans le secteur de la vente et de la restauration. Les organisations de défense des travailleurs tentent de se faire entendre par un Congrès peu sensible à la question.

© Dan R. Krauss / Getty Images North America / AFP
Quand Jannette Navarro, une jeune mère de 22 ans, a raconté ses journées de travail aux horaires décousus et imposés à la dernière minute dans les colonnes du New York Times, cela n’a pas surpris les dizaines d’autres salariés américains de la chaîne Starbucks, qui se sont mis à se confier sur Internet à propos de leurs emplois du temps "plus que flexibles".
Le "clopening", néologisme désignant le fait d’être le dernier à fermer la boutique et le premier à l’ouvrir le lendemain matin… ils connaissent tous. "Mon nouveau manager a l’habitude de demander aux gens de faire la fermeture (23h30) et l’ouverture (4h30).
En travaillant plus de sept jours d’affilée! Et jusque-là, personne ne sourcillait", témoigne un salarié sous couvert d’anonymat. "Je le faisais parce que j’avais besoin de gagner plus d’argent", précise un autre.
Le "clopening" au cœur de la fronde
Face à la fronde, la direction de Starbucks a pris plusieurs engagements en faveur de ceux qu’elle appelle ses "partenaires", 130 000 salariés rien que sur le sol américain. C’est d’abord le logiciel qui crée ces emplois du temps qui a été modifié. Jusque-là, il s’adaptait surtout à l’affluence de clients, particulièrement forte tôt le matin.
Starbucks a aussi demandé à ses managers de distribuer les emplois du temps au moins une semaine à l’avance. "Nous avons la responsabilité de vous aider à trouver un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle", a écrit dans un mail interne Cliff Burrows, le président de Starbucks pour le continent. Mais pour les managers qui continueraient à pratiquer le "clopening", aucune sanction n’est prévue.
Au pays des salariés précaires qui cumulent souvent plusieurs emplois pour joindre les deux bouts – le salaire de ces employées excède rarement les 10$ de l’heure –, Starbucks n’est pas une exception. Cet été, une employée de Zara a lancé la campagne #ChangeZara après que le géant du vêtement avait, du jour au lendemain, divisé par deux son quota d’heures travaillées.
La chaîne de bars à jus de fruits, Jamba Juice, a elle aussi été critiquée pour indexer ses emplois du temps... sur la météo. D’après l’étude menée par la chercheuse Susan Lambert de l’université de Chicago, 41% des salariés américains découvrent leur emploi du temps au maximum une semaine à l’avance. Avec un temps moyen de travail qui fluctue entre 17 et 28 heures chez les salariés à temps partiel.
La défense s'organise
Pour remettre les pendules à l’heure, l’organisation de défense des travailleurs Retail action project demande aux entreprises de prendre deux engagements: garantir un minimum d’heures travaillées par semaine et payer toutes les heures inscrites au planning.
Localement, des lois plus protectrices commencent à voir le jour. A San Francisco, les employés du secteur de la vente et de la restauration peuvent désormais réclamer un emploi du temps établi à l’avance. Mais "de nombreux salariés ne le connaissent pas. Et ils ne peuvent pas faire grand-chose si leur employeur ne le respecte pas", regrette Michelle Lim, représentante du mouvement Jobs with Justice à San Francisco.
Au niveau fédéral, l’organisation CLASP promeut l’adoption d’un texte baptisé "Schedules that Work Act". Celui-ci permettrait aux employés d’obtenir leur planning deux semaines à l’avance et une compensation financière s’ils finissent le travail plus tôt que prévu. Une loi qui a cependant peu de chance de passer devant le Congrès.