Publié le 14 octobre 2019
SOCIAL
Directeurs d’école, policiers, médecins, pompiers... Un mal-être au travail hors des radars
Après les personnels hospitaliers et les policiers, ce sont les enseignants qui sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère et dénoncer leurs conditions de travail. Les pompiers préparent eux aussi une action pour le 15 octobre. Le mal-être au travail se généralise dans la fonction publique, hors de toute statistique officielle.

Thomas Samson / AFP
Le suicide de Christine Renon, cette directrice d’école de Pantin à bout, a ému toute la France et mis des milliers d’enseignants dans la rue. Ils dénoncent des conditions de travail de plus en plus difficiles et dénuées de sens. Un mal-être au travail également palpable chez les soignants, les policiers – ils étaient 27 000 à manifester le 2 octobre dernier – ou encore les pompiers qui ont entamé une grève il y a six mois.
En ce seul mois de septembre, au moins deux autres enseignants se sont donnés la mort. Un autre a été violemment agressé par un étudiant et a été arrêté pendant cinq semaines. Dans la police, on compte 52 suicides depuis le début de l'année. Au total, en neuf mois, 287 personnes auraient trouvé la mort au travail, selon le décompte très précis de Matthieu Lépine, un professeur d’histoire-géo au collège qui entend dénoncer ainsi l’opacité des chiffres et interpeller les pouvoirs publics (voir son compte twitter @DuAccident).
Violences, réformes, horaires
Aujourd’hui, il n’existe en effet aucune donnée statistique accessible rendant compte du nombre global d’accidents et de décès du travail en France, notamment dans la fonction publique. C’est pourquoi Charlotte Lecocq, députée du Nord (LRM), a été missionnée par le gouvernement pour travailler sur la santé et la qualité de vie au travail dans la fonction publique. Son rapport doit être remis au gouvernement d’ici la fin du mois.
"Cette mission est née de l’une des recommandations de mon précédent rapport qui portait sur la qualité de vie au travail dans la fonction privée. Je me suis aperçue que pour une partie du monde du travail, et notamment la fonction publique, il n’y avait aucune donnée", explique l’élue du Nord. "Or il y a énormément de signaux d’alerte négatifs."
Elle cite pêle-mêle l’organisation du travail avec des horaires intenables, les moyens insuffisants ou inadaptés, le management défaillant, les situations de violence avec le public, la culture descendante et les réformes incessantes qui viennent tout chambouler. "Le secteur est très en retard par rapport au privé car toutes ces données de diagnostic sont éparses et ne permettent pas d’établir un plan d’action efficace", analyse Charlotte Lecocq.
Manque de reconnaissance
Son rapport, présenté au gouvernement dans la seconde quinzaine d’octobre, compte 45 recommandations. Parmi elles, il y a surtout la nécessité d’impliquer les agents afin de trouver les bonnes solutions. "Ils nous ont fait remonter un manque de reconnaissance de leurs expertises et de leurs compétences", ajoute la députée. "Cela entraîne une perte de sens et d’engagement et peut déboucher sur des situations dramatiques".
Mais pour que le panorama des morts au travail ne compte plus d’invisibles, il ne suffira pas d’y intégrer la sphère publique. Il faudra aussi prendre en compte les nombreux livreurs et travailleurs des plateformes, les agriculteurs indépendants, les autoentrepreneurs, les travailleurs sans papiers ou non déclarés… Rien que la semaine dernière, un chauffeur routier, deux agriculteurs, un ouvrier intérimaire, un enseignant, quatre marins et quatre fonctionnaires de police (attentat à la Préfecture de Paris) sont morts au travail, selon @DuAccident.
Concepcion Alvarez @conce1