Publié le 17 février 2015
SOCIAL
Dépendance : un enjeu de taille pour les entreprises françaises
En France, 8,5 millions de personnes s’occupent d’un proche dépendant. La moitié de ces aidants exercent un emploi. Comment concilier cette responsabilité familiale avec sa vie professionnelle, alors même que l’espérance de vie augmente et que les aidants seront structurellement plus nombreux à l’avenir ? Pour les entreprises, l’enjeu est de taille. Certaines commencent à mettre place des premières mesures d'accompagnement.

iStock
8,5 millions. C’est le nombre de personnes en France qui aident aujourd’hui un proche en situation de dépendance (personne âgée, enfant ou conjoint malade, personne handicapée…).
"47% d’entre elles exercent un emploi. La vraie question, c’est la conciliation de vie d’aidant avec les autres domaines que sont la vie privée et la vie professionnelle", explique Florence Leduc, présidente de l'Association française des Aidants.
Selon l’association, 2 aidants sur 3 ont l’impression que leur employeur ne prend pas en compte leur situation.
D'après l’enquête Handicap-Santé menée par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) en 2008, 25% des aidants qui travaillent ont déjà pris des congés pour s’occuper d’un proche.
Repenser l’organisation du travail
Gérer un proche dépendant, que ce soit de manière ponctuelle ou à plus long terme, demande du temps. La question de l’organisation du travail se pose alors pour les entreprises.
La mise en place d’un système plus souple permettrait notamment de lutter contre l’absentéisme: selon l’institut de sondage BVA, 26% des salariés aidants se sont absentés en plus de leurs congés légaux pour aider un proche dépendant.
"C’est un vrai sujet de responsabilité sociale (RSE) pour les entreprises, au même titre que la politique pour les salariés parents. Les aidants peuvent avoir besoin d’arriver plus tard, partir plus tôt ou bien s’absenter à certains moments de l’année", constate Florence Leduc.
Chez L’Oréal, c’est justement la question des salariés parents qui a amené l’entreprise à agir aussi pour les aidants. Emmanuelle Lièvremont, directrice Diversité et Santé au travail du groupe de cosmétique français, explique: "Nous avions depuis longtemps une démarche d’accompagnement des salariés parents. Puis, il y a 4ans environ, nos assistantes sociales et médecins du travail internes nous ont fait remonter le problème des salariés en grande difficulté en raison de la dépendance des proches, notamment leurs propres parents. Nous avons donc élargi la question des salariés parents pour aller vers une problématique plus globale."
Des mesures clés pour réagir vite
Sensibiliser les managers, informer l’ensemble des collaborateurs et accompagner les salariés aidants…
Ces mesures sont clés pour aider les aidants, comme l’explique Jean-Renaud d’Elissagaray: "Au départ, les personnes confrontées à un proche dépendant passent beaucoup de temps au téléphone, depuis leur lieu de travail, pour joindre l’administration ou les prestataires. Ils sont ensuite obligés de s’absenter pour leur rendre visite. C’est une situation stressante", explique le directeur général et fondateur de Responsage, une plateforme d’accompagnement des salariés aidants.
Il estime aussi que c’est "un frein à la mobilité: certains refusent une responsabilité supérieure ou des déplacements professionnels à cause de cela". Selon BVA, 15% des aidants estiment avoir été pénalisés dans leur évolution professionnelle.
Des aménagements concrets
Les mesures concrètes à mettre en place sont de natures variables. "Chez L’Oréal, nous avons choisi de mettre en place deux dispositifs: aménager encore davantage les congés et accompagner les salariés avec de l’information et du conseil", explique Emmanuelle Lièvremont.
Depuis janvier 2014, l’entreprise a mis en place le maintien du salaire pendant 1mois en cas de congé de solidarité familiale. Au-delà de cette période, les aidants peuvent recourir au système de dons de jours de congé.
Le Crédit Agricole Assurances propose lui aussi des aides pour ses salariés aidants. Ensemble, ils ont créé un guide résumant les solutions d’accompagnement internes et externes.
Trois fois par an, des réunions d’informations sont organisées sur divers thèmes: financement des aides, placement en EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), santé du salarié aidant, etc.
"La situation d’aidant n’est pas permanente. Ce qui nous importe, c’est que le salarié accepte sa situation d’aidant, qu’il ose en parler, relate Brigitte Cachon, directrice de la RSE de Crédit Agricole Assurances. Mais cela prend du temps, et il est important que toute l’entreprise se sente concernée: collaborateurs, managers et direction."