Publié le 28 octobre 2016
SOCIAL
RTT solidaires : un pari gagnant pour l’entreprise
Faire le tri de vêtements avant la distribution aux plus démunis, participer à un atelier d’aide à l’emploi des plus pauvres, aider à la restauration d’un espace vert… Pendant une journée, grâce à leur entreprise, des salariés volontaires se mettent au service d’une association. C’est le principe des journées solidaires. Une expérience émotionnellement forte et stimulante pour les salariés, mais qui a aussi un véritable intérêt pour les entreprises. Explications.

Ça me regarde
Nettoyer un espace naturel, réhabiliter les locaux d’un centre d’hébergement, assurer le tri de vêtements collectés, concevoir une campagne de communication, etc. Chaque année, grâce à leur entreprise, des milliers de salariés consacrent une journée de travail à une association.
Ces journées solidaires fonctionnent sur un principe simple : une entreprise donne à ses collaborateurs volontaires la possibilité de découvrir et de participer à une action solidaire en passant une journée au sein d’une association. Cela peut se faire par l’utilisation de RTT ou de congés par les salariés volontaires, mais aussi par le biais d’une journée offerte par l’employeur.
Dynamiser sa politique RH, valoriser sa politique RSE
Pour les salariés qui ont tenté l’expérience, la journée a souvent été vécue comme un temps fort sur le plan émotionnel. Mais pas seulement. "Tout seul, je n’aurais jamais imaginé passer du temps avec les compagnons et les bénévoles à trier des objets chez Emmaüs. L’initiative de mon entreprise, qui offre la journée aux salariés volontaires, m’a permis de découvrir cette communauté, de mieux connaître mes collègues et de faciliter les échanges entre services au bureau. Plus généralement, cela a changé mon regard sur le rôle que peut jouer l’entreprise au sens large dans la société", raconte ainsi Christophe Bonnefond, technicien support chez Lagardère Travel Retail. Pour lui, la journée passée chez Emmaüs en novembre dernier a été un déclic : "Depuis cette journée, je m’intéresse aux personnes qui ont un casier judiciaire et qui ont des difficultés à trouver un emploi. Très peu de choses sont faites pour eux, j’aimerais donc monter une structure pour les y aider. Pourquoi pas en intrapreneuriat, si ça peut intéresser l’entreprise ?", s’enthousiame-t-il.
Cette dynamique créée par cette journée solidaire, c’est bien ce que recherchent les entreprises. Booster leur politique RH, valoriser leur politique RSE, créer une cohésion entre les salariés d’un grand groupe ou encore révéler la richesse humaine de leurs collaborateurs. Ce sont les principales raisons qu’elles citent pour expliquer leur engagement dans une telle démarche.
Et, à les entendre, celles-ci semblent se vérifier sur le terrain. "Aujourd’hui que nous construisons le groupe Covéa, qui regroupe les assureurs GMF, MAAF et MMA, il est important que nos 20 000 collaborateurs se rencontrent et réalisent leurs premiers succès communs. Même si tous ne participent pas – à ce jour, 150 se sont portés volontaires –, nous avons déjà, après 20 journées organisées, de très bonnes retombées en termes d’engagement et de fierté des salariés", assure Renaud Pesesse, responsable Projets et process RH chez Covéa.
Même ressenti chez Sanofi Pasteur. Après avoir proposé des RTT solidaires, l’entreprise a même organisé un séminaire d’entreprise chez Emmaüs. "La matinée, consacrée à la présentation de l’association, nous a permis de nous découvrir mutuellement, de voir qu’il y avait des similarités et des passerelles entre nos deux entités. L’après-midi, consacré à des ateliers réparation de vélos ou construction d’une bibliothèque, nous a permis de côtoyer compagnons et bénévoles, de faire face à une autre organisation, mais surtout de réaliser quelque chose, tous ensemble. C’était très fort", souligne de son côté Christophe André, directeur adjoint Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) de Sanofi Pasteur.
Quant aux associations, elles trouvent par ce biais de la main d’œuvre pour un projet concret dont elles n’auraient pas forcément les moyens financiers ou humains.
Un pont entre deux mondes
Pour l’entreprise, il n’est pas toujours simple de trouver l’association pouvant accueillir plusieurs salariés volontaires sur une seule journée. C’est là qu’entrent en scène des entités qui jouent le rôle d'intermédiaire.
C’est le cas de la SCOP (société coopérative et participative) Ça me regarde, créée il y a 5 ans. "Nous faisons le pont entre les entreprises et les associations. Nous nous occupons de la mise en relation et du projet du début à la fin. Concernant le choix des associations, nous privilégions celles qui luttent contre la précarité ou pour le respect de l’environnement, mais surtout nous cherchons des associations qui ont des besoins concrets. Car même s’il y a la notion de partage entre salariés, bénévoles et bénéficiaires de l’association, il s’agit bien d’aider l’association, pas de la retarder dans ses actions quotidiennes", souligne Arnaud Frimat, l’un des co-fondateurs de Ça me regarde.
"Par exemple, une banque avec laquelle nous travaillons souhaitait aider le Samu social de Paris, qu’elle soutient déjà. Mais impossible d’envoyer les salariés sur ce type de terrain en une seule journée ! Les salariés bénévoles ont donc trié des vêtements qui s’entassaient depuis 5 ans dans un entrepôt et qui, faute de main d’œuvre, n’avaient pas été triés et ne pouvaient pas être distribués", rapporte Ségolène Delahalle, l’autre co-fondatrice.
Cependant, pour que la journée soit porteuse de sens pour l’entreprise, l’intérêt est aussi de prolonger la dynamique. "Les salariés qui ont participé à de telles journées sont de formidables ambassadeurs auprès des autres, remarque Laetitia Mortreuil, responsable RH sur la partie acquisition des talents chez Mercer, cabinet de conseil en ressources humaines. Nous allons d’ailleurs créer un groupe pour savoir comment faire perdurer ces acquis dans l’entreprise, notamment dans le cadre de notre politique engagement & diversité."
(1) Établissement pour l'insertion dans l'emploi