Publié le 06 mars 2020
POLITIQUE
Sanders versus Biden : les démocrates américains doivent choisir entre deux modèles
Après une entrée ratée pour le milliardaire Michael Bloomberg dans le marathon des primaires démocrates, c'est finalement un duel surprise entre Bernie Sanders et Joe Biden qui se dessine. Un bras de fer entre un homme qui prône une révolution inspirée du socialisme et un candidat au programme moins engagé, qui mise sur son poste d'ancien vice-président de Barack Obama pour gagner.

TIMOTHY A. CLARY / AFP et Image Press Agency / NurPhoto
Le Super Tuesday, qui désigne les futurs candidats dans quatorze États américains, a tenu ses promesses. Il révèle une nouvelle photo de l’opinion démocratique américaine qui place en tête deux versions opposées du modèle à proposer aux Américains pour battre Trump, celle de Joe Biden et celle de Bernie Sanders. Michael Bloomberg a échoué à convaincre qu’il pouvait battre le président actuel en utilisant la même arme que lui : l’argent.
La richesse est au cœur de la campagne américaine pour l’élection présidentielle. En avoir ou pas, la partager ou la défiscaliser, l’utiliser pour la lutte contre le changement climatique et l’achat d’espace ou l’afficher comme une fin en soi pour témoigner de sa puissance, ces différentes dimensions sont intégrées au débat. Les inégalités de richesse vont finalement arbitrer au moins le choix du candidat démocrate, si ce n’est celui du prochain président ! Tout cela dans un pays où avoir gagné une fortune par sa réussite personnelle est plutôt valorisé.
Le choc des milliardaires, Trump et Bloomberg, n'aura donc pas lieu. Pour son entrée dans l’arène, le second n’a pas obtenu les 15 % de voix permettant d’obtenir des délégués à la convention. Il vient donc d'annoncer son retrait de la primaire en apportant son soutien à Joe Biden. Son positionnement anti-Trump sur le climat et l’énergie et les centaines de millions d’euros dépensés pour faire campagne n’ont pas suffi à faire pencher la balance.
Le socialisme n’est plus associé à l’URSS
C’est un élément de plus pour comprendre la résilience de Bernie Sanders qui ne propose rien de moins qu’une révolution politique inspirée du socialisme. Pour les observateurs traditionnels, cette revendication devrait le marquer au fer rouge mais pourtant ses victoires (il est arrivé en tête dans quatre États dont la Californie au Super Tuesday) montrent que les anciens clivages ne fonctionnent plus, en particulier sur les jeunes générations. Le socialisme n’est plus associé à l’URSS à l’heure où la Russie soutient Trump mais est plutôt considéré comme un facteur de redistribution des richesses et de plus grande égalité. Comme l’explique Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) sa co-listière, le "programme d’extrême gauche consiste à offrir un système de santé pour tous, des salaires décent, des droits sociaux et de demander des comptes à Wall Street".
This campaign is about asking one fundamental question: Which side are you on?
Are you on the side of the drug companies, the health insurance industry and the fossil fuel industry?
Or are you on the side of the working families of this country? pic.twitter.com/4SuKuSfg3M— Bernie Sanders (@BernieSanders) March 4, 2020
Taxer les ultra-riches dont la fortune est souvent due à la croissance boursière spectaculaire des actions de leurs entreprises, est donc devenu un thème de campagne pour les plus à gauche des démocrates comme Sanders et Warren. Leurs voix sont devenues suffisamment puissantes pour que la fortune de Bloomberg initialement considérée comme un atout, devienne son principal handicap.
Joe Biden engrange une partie du vote afro-américain
Le fait que les étudiants nés dans les années 2000 soient fauchés et surendettés dans un système pourtant très riche est un argument de campagne martelé par AOC.
"Well, it's because we're broke!"@AOC defended her fellow millennials, who she says have been "unjustly saddled" with student loan debt pic.twitter.com/RwdZfmBhv6
— QuickTake by Bloomberg (@QuickTake) February 25, 2020
Côté Joe Biden, on est loin de ce programme engagé. L’idée de ses supporters beaucoup plus nombreux depuis le super Tuesday est de faire battre le président actuel par un ancien vice-président qui a accompagné Barack Obama. Il engrange à ce titre une grande partie du vote afro-américain. C’est ce qui explique son "succès surprise".
L'histoire dira dans quelques mois si la lutte pour la présidence américaine oppose socialisme et capitalisme (Sanders vs Trump) ou est le résultat du ralliement de diverses communautés (afro-americaine latino, évangélistes…) à l’un des deux septuagénaires blancs qui se disputent leurs suffrages (Biden versus Trump).
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic