Publié le 21 juin 2021
POLITIQUE
Régionales : une abstention record signe d’une campagne électorale qui n'a pas atteint son but
Bercés par une campagne médiatique axée sur la sécurité et des sondages démentis par les résultats, les Français se sont massivement abstenus aux élections régionales et départementales. Les électeurs ont à peine été informés des enjeux de ce scrutin, traité comme une avant course des élections présidentielles. Que veulent les électeurs qui ont voté ? Ils ont globalement préservé les sortants et la poussée écologiste est plus faible qu’aux municipales.

@Delphine Lefebvre/Hans Lucas/Hans Lucas via AFP
Un peu plus de deux tiers des Français (66,1 %), plus de 30 millions, se sont abstenus au premier tour des élections régionales et départementales. Le rapport de force sorti d’un si faible socle électoral est donc difficile à lire. La première défaite est celle des sondages qui avaient donné des résultats beaucoup plus favorables au Rassemblement National que ceux réellement obtenus par ses candidats. Ils sont en recul partout, comparativement à ses résultats de 2015.
Par ailleurs, les résultats électoraux sont en décalage total avec la campagne qui s’est déroulée principalement dans les médias puisque les mesures sanitaires ont empêché les tournées électorales et les meetings traditionnels. Les têtes d’affiche gouvernementales qui ont bénéficié d’une forte visibilité ont subi de terribles revers à l’image de la liste LREM des Hauts de France qui comptait trois ministres dont celui de la Justice Éric Dupont-Moretti considéré fer de lance gouvernemental du barrage au RN. Elle n’est pas qualifiée pour le second tour.
Du côté des écologistes, la dispersion des listes et des propositions n’a pas permis à Europe Écologie Les Verts d’engranger un score relativement faible (environ 11 % des voix). Si le parti écologiste progresse par rapport à 2015, il n’obtient pas des résultats aussi spectaculaires qu’aux municipales de 2020 quand les écologistes se sont emparés de plusieurs grandes villes. Plusieurs élus regrettent que l’élan se soit essoufflé.
La puissance muette de l’abstention
Que veulent dire les Français qui ne se sont pas déplacés ? Ils témoignent que l’offre politique ne les convainc plus et que la réalité de leurs problèmes économiques et sociaux n’a semblé intéresser personne. Il leur a été demandé de choisir quels seraient les bons candidats à l’élection présidentielle. Les soirées électorales semblaient continuer à tenter de décrypter la politique comme avant alors qu’elles auraient pu s’interroger sur les conséquences d’avoir si peu expliqué quels étaient le rôle et le poids des Régions pour traiter leurs problèmes quotidiens.
Yannick Jadot, député européen analyse l’abstention comme une "forme de schisme (…) entre la classe politique et les Françaises et les Français" qui traduit "une incroyable incompréhension de ce que sont aujourd'hui nos collectivités" En effet, la surmédiatisation de sujets comme la sécurité qui ne sont pas une compétence des régions a brouillé les messages. À l’inverse, le peu de temps accordé aux modes de transports, aux choix énergétiques, à la rénovation thermique des bâtiments ou à l’utilisation des fonds européens pour les territoires n’a pas permis d’expliquer aux Français les vrais enjeux de cette élection.
Les verts en aiguillon
On y verra un peu plus clair après le dépôt des listes de second tour mardi soir mais la façon dont vont se recomposer les alliances sera déterminante pour établir de nouveaux équilibres dans des Régions qui devraient très majoritairement reconduire des équipes sortantes, qui ici et là seront aiguillonnées sur les enjeux écologiques. En Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset devrait faire de la place aux écologistes qui ont dépassé les 10 % et peuvent se maintenir au second tour.
En Bretagne le président sortant Loïg Chesnais-Girard (PS) est en tête et voudrait faire alliance avec l’écologiste Claire Desmares-Poirrier qui a obtenu près de 15 % des voix ce que Jean Yves le Drian l’ancien président de Régions n’avait jamais voulu. Enfin, en Île-de-France, c’est Julien Bayou pour EELV qui est arrivé en tête des trois listes se revendiquant de l’écologie. Il a appelé à l’Union de ces trois listes dès dimanche soir. Valérie Pécresse (LR), qui a dominé le premier tour avec près de 35 % des voix, a semblé considérer que c’était son principal adversaire. Sa première déclaration dimanche soir, elle s’est prononcée contre "l’écologie punitive qui veut interdire toutes les voitures".
La campagne d’entre deux tours permettra-t-elle d’inverser la donne et de ramener aux urnes ceux à qui peut-être les candidats vont enfin parler de ce qui les intéresse : un projet économique, environnemental et social.
Ludovic Dupin @LudovicDupin et Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic