Publié le 18 octobre 2021
POLITIQUE
La théorie du ruissellement défendue par Emmanuel Macron ne passe pas l’épreuve des faits
Les réformes fiscales de 2018, dont la fin de l'impôt sur la fortune, devaient transformer les baisses de taxes des ménages les plus riches en investissements dans l’économie réelle. Mais un rapport de France Stratégie vient à l'encontre de cette théorie. Dans les faits, les réformes n’ont pas eu d’effets sur la croissance ou l'investissement, au contraire, elles ont encouragé une hausse des dividendes versés par les entreprises.

CCO
C’est un rapport qui ne va pas aider le président Emmanuel Macron à se défaire de son étiquette de "président des riches". En 2018, conformément à son programme électoral, le chef de l'Etat supprime l'ISF pour le remplacer par l'impôt sur la fortune immobilière. Le gouvernement instaure également une "flat tax" à la française : un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus du capital (intérêts, dividendes…). Si l’opposition ou les "gilets jaunes" estiment que ces mesures sont des cadeaux aux plus riches, le chef de l’État soutient au contraire que ces sommes seront réinvesties et ruisselleront vers l’économie réelle. Mais ce "ruissellement" n’a pas eu lieu, note rapport de France Stratégie sur les effets des grandes réformes fiscales.
"L'observation des grandes variables économiques - croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages, etc. - avant et après les réformes ne suffit pas pour conclure sur l’effet réel de ces réformes", expliquent les auteurs de ce troisième rapport. "Sur les effets de la réforme ISF sur le tissu économique, on ne relève pas de différence de comportements depuis la réforme de 2018 entre les entreprises très exposées et peu exposées à l’ISF", ajoute France Stratégie, l’organisme chargé de conseiller le gouvernement et rattaché à Matignon.
Hausse des dividendes
La "flat tax" a, quant à elle, encouragé une hausse des dividendes versés par les entreprises - ces versements avaient chuté entre 2013 et 2017 après la réforme de l'imposition des dividendes. "La forte progression des dividendes déclarés par les ménages au titre de 2018 (23 milliards d’euros contre 14 milliards en 2017), s’est confirmée en 2019 (augmentation supplémentaire de l’ordre de 1 milliard) et en 2020", indique le rapport. Avantage pour les caisses de l'État, ces redistributions ont généré des recettes fiscales. L’enjeu est aussi de savoir comment ces montants ont été utilisés. "Les dividendes ont retrouvé les mêmes niveaux d’avant la réforme de 2013. Le retour à une fiscalité plus normale a libéré ces dividendes qui ont été réinvestis", affirme Bercy. Reste à le prouver.
Ce qui est certain c’est que ces redistributions reviennent à un petit nombre de ménages. "En 2019, tout comme en 2018, les dividendes ont été encore plus concentrés qu’en 2017 : en 2019, 62 % ont été reçus par 39 000 foyers (0,1 % des foyers), dont 31 % par 3 900 foyers (0,01 % des foyers)", avance le texte. Enfin, un groupe de 310 foyers a enregistré "une augmentation de plus de 1 million d’euros de leurs dividendes en 2018 et 2019 par rapport à 2017".
Du côté de Bercy, on appelle à nuancer les conclusions de ce rapport. "L’analyse de France Stratégie porte sur des données qui vont jusqu’en 2019 pour une réforme qui a été mise en place en 2018 donc on manque de recul", explique le cabinet de Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie et des finances. "La politique qui a été menée, dont cette réforme, génère plus de dynamisme de la croissance, plus d’investissement, plus d’emplois... La politique du gouvernement, en termes d’attractivité et d’investissement, est validée par les faits", abonde un porte-parole de Bercy.
Mathilde Golla @mathgolla