Publié le 26 juin 2020
POLITIQUE
[Édito] Twitter versus TikTok : conflit de générations entre Trump et les ados
Quand les fans de la musique pop coréenne K-Pop s’allient aux adolescents qui fréquentent assidûment le réseau TikTok pour danser mais aussi faire de la politique, ils peuvent vider les gradins d’un meeting de Donald Trump qui a fait de Twitter son arme fatale. Retour sur ce conflit de générations planétaire où s’affrontent le monde d’avant, celui des grands-parents, et celui d’après, dans lequel leurs petits-enfants vont devoir vivre.

NICHOLAS KAMM / AFP
L’usage malin des réseaux sociaux peut vous permettre de lever en quelques minutes une armée de soutien dont le pouvoir d’action est considérable sans que cela soit visible "dans la vraie vie". Pourtant à Tulsa, lors du meeting aux gradins dégarnis organisé par Trump, il semblerait qu’on ait vu, dans la réalité, l’effet d’une mobilisation des adolescents contre le président des États Unis qui a l’âge d’être leur grand-père. Il avait choisi Tulsa, Oklahoma, ville symbole d’un des massacres de la population noire en 1921, ignoré des livres d’histoire. Ils ont choisi de le prendre à son propre piège : la bataille des symboles.
Ils ont appelé sur TikTok à prendre des réservations de billets pour le meeting avec l’intention de ne pas s’y rendre. Opération médiatique réussie puisqu’avant le meeting, Donald Trump clamait sur Twitter attendre un million de supporters qui avaient demandé des billets et, sur place, les caméras de télévision ont filmé 6 200 fervents supporters.
TikTok, le réseau des adolescents
Les débats emblématiques du moment, le changement climatique côté environnement et le combat contre les inégalités en particulier raciales, côté social, sont aussi une gigantesque bataille de communication dont les principales armes sont les réseaux sociaux. Or le choix des armes est clef puisque chacun d’eux n’a pas du tout le même profil d’utilisateurs.
À ma gauche Twitter avec une figure de proue, Donald Trump, 74 ans, 82,4 millions d’abonnés sur Twitter, 46 abonnements (sa famille et ses proches). Il envoie des messages en rafale truffés d’appels provoquants en majuscules, retwitte ses autres comptes et, au passage, des fake news quand elles vont dans son sens. Pour la première fois, en 2020, il a été censuré à trois reprises par Twitter dans le cadre de sa nouvelle politique anti-haine. À ma droite TikTok, réseau en pleine ascension qui revendique 800 millions d’utilisateurs actifs par mois, en grande majorité des adolescents. Pendant que leurs parents croient qu’ils dansent en groupe devant leur smartphone, ils utilisent leur réseau social favori pour combattre un de leur principal ennemi : Donald Trump. Ils ont choisi une tête d’affiche qui a leur âge, le dernier fils du président américain Barron, 14 ans.
Barron, le fils de Donald Trump, devient un symbole
Le #saveBarronTrump qui vise à le libérer des griffes de son père et donc plus largement de libérer leur avenir de son emprise, a des millions d’utilisateurs sur TikTok. Leur stratégie peut même aller jusqu’à utiliser sur Twitter les techniques qui ont fait de ce réseau le véhicule préféré des haters en tous genres qui déversent sous couvert d’anonymats d’innombrables incitations à la haine, raciale en particulier.
Exemple : un compte au pseudo à l’effigie de Barron Trump appelle la génération Z à faire déraper le site de campagne de Donald Trump en le noyautant avec des réponses fictives de comptes fictifs "comme ils l’ont fait pour le meeting de Tusla".
Go to trumps campaign >>> https://t.co/6W1Zl1AyAw <<< and use a fake name and email. And use the White House zipcode >>> 20500 <<< Let’s fuck it up just like we fucked up the Tusla Rally. Come on gen-z. We can do it #barrontrump #donaldtrump #melaniatrump #GO pic.twitter.com/my7MARRSRE
— Barron is a Barbz (@SAVEBARR0N2020) June 24, 2020
La France a aussi ses bras de fer du même genre comme l’affaire du lycée de Thionville rebaptisé Rosa Parks, symbole du refus de la ségrégation raciale. Ce nom, choisi par les lycéens eux-mêmes, a été adopté officiellement par le Conseil Régional le 19 juin ce qui a déchainé une déferlante de haine raciste et sexiste sur les réseaux sociaux. Le président de la Région Grand Est Jean Rottner a décidé de porter plainte et accuse le RN. Réseau choisi par les déverseurs de haine : Twitter ! La polémique est partie du tweet de la candidate RN à la mairie de Metz, Françoise Grolet, publié dans les minutes qui ont suivi l’adoption de ce nouveau nom par la Région.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic