Publié le 15 septembre 2020
POLITIQUE
[Edito] Pour passer le coq France du rouge au vert, les clashs ne peuvent pas remplacer les débats de fond
Pour Emmanuel Macron, les maires écologistes des grandes villes qui réclament un moratoire sur la 5G, veulent "revenir à la lampe à huile". Il estime qu’ils prônent ainsi un "modèle amish auquel il ne croit pas". Cette nouvelle salve contre les velléités des écologistes réduit le débat public à des clashs sur "les arbre morts" et les "ayatollahs verts" et esquive les débats de fond basés sur la science.

@FrenchTech
Emmanuel Macron arborait un coq rouge, emblème de la French Tech, pour le discours qu’il a prononcé le 14 septembre devant la "Start up nation" afin de l’intégrer à France Relance. Il a axé ses propos, hymne à l’innovation et aux capacités françaises à attirer les capitaux et les talents numériques, sur la défense du déploiement de la 5G. Volontairement provocateur, il en a profité pour dénoncer la tribune des maires écologistes de grandes villes publiée le dimanche 13 septembre.
"J'entends beaucoup de voix qui s'élèvent pour expliquer qu'il nous faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile. Je ne crois pas au modèle amish, et je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l'écologie contemporaine". Une phrase paradoxale alors que jusque-là le plan de relance hissait le pavillon vert et que le patron de BPI France, Nicolas Dufourcq, s’efforce de promouvoir son coq vert auprès de la même cible !
"La France va prendre le tournant de la 5G" car "je ne crois pas au modèle amish", affirme Emmanuel Macron https://t.co/FKUnGHeqMd pic.twitter.com/cUtpP3TR2Z
— BFMTV (@BFMTV) September 14, 2020
Ces salves à répétition qui font le tour des médias et des réseaux sociaux pourrissent les nécessaires débats qu’impose la protection de l’environnement. Le "modèle Amish" succède à une polémique du même ordre concernant le maire de Bordeaux, accusé de détruire la magie de Noël parce qu’il s’interrogeait sur la nécessité d’investir 60 000 euros d’argent public dans un "arbre mort", le sapin de Noel de la ville.
Débat impossible
Le recours régulier à la terminologie "ayatollahs verts" pour parler des écologistes renvoie à un vocabulaire religieux faisant de l’écologie une croyance qui oblige, si on y adhère, à vivre comme un amish ou porter un "tchador vert". De clashes télévisés en vérités scientifiques déformées sur les réseaux sociaux, le débat public sur la transformation des modèles devient impossible. C’est valable pour la 5G pour laquelle la Convention citoyenne pour le climat appelait à un moratoire comme pour le changement climatique. Donald Trump par exemple a déclaré face à l’ampleur dramatique des feux californiens : "Ca va finir par se refroidir".
Or Il y a un vrai risque à perdre du temps en polémiques stériles. Les tribuns médiatiques qui les portent cherchent à gagner du temps pour prolonger un modèle qui craque sous les coups de boutoir de la crise provoquée par le Covid-19. La Convention Citoyenne pour le Climat et le résultat des élections municipales laissaient présager une aspiration des Français à un vrai débat de fond sur le choix du modèle à relancer. Mais cela suppose qu’ils soient correctement informés sur le coût/bénéfice de telle ou telle solution technique ou mode de production. La 5G mérite un vrai débat politique mettant en balance impacts positifs et négatifs et proposant ensuite aux citoyens de voter pour ou contre, en toute conscience.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic