Publié le 16 juillet 2019
POLITIQUE
Démission de François de Rugy : un passage éclair et peu convaincant au ministère de la Transition écologique
Il est resté dix mois à la tête d'un ministère plombé par les manifestations des Gilets jaunes, l'Affaire du siècle et la mobilisation des jeunes pour le climat. François de Rugy démissionne après un passage éclair qui n'a pas su convaincre. Le choix de son remplacement sera difficile pour Emmanuel Macron qui doit pourtant gagner en crédibilité sur l'écologie après le score des Verts aux élections européennes.

Elysée
Il n’aura pas tenu longtemps. François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire vient de présenter, ce 16 juillet en début d’après-midi, sa démission au gouvernement. Le timing était serré. Le numéro 2 du gouvernement s’apprêtait à présenter la loi énergie climat, un gros morceau pour lequel il était attendu de pied ferme par les sénateurs. Déclaration de l’urgence climatique et écologique, neutralité carbone à horizon 2050, baisse de 40 % de la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030… cette colonne vertébrale de la politique climatique gouvernementale ne pouvait être défendue par un homme affaibli.
"Je suis trop attaché à l’écologie à laquelle j’ai consacré tout mon engagement militant, pour accepter que notre action écologique soit affaiblie par des mises en causes personnelles incessantes", a déclaré le ministre dans un post Facebook annonçant sa démission. Au-delà des révélations de Médiapart, des dîners à base de homard et de grand cru, des travaux dans son logement de fonction aux frais du contribuable, François de Rugy a réalisé un passage éclair au ministère de l’écologie et n’a pas vraiment su convaincre.
Un ministre "macron-compatible" qui n'a pas pu s'imposer
Certes, il a eu la lourde tâche de succéder à Nicolas Hulot, ministre populaire qui a lâché le gouvernement critiquant un manque de cohérence et d’ambition. François de Rugy, un des seuls écologistes "Macron-compatible" devait prouver que l’écologie pragmatique, ne remettant pas en cause le système libéral et capitaliste, pouvait réussir. Mais il s’est heurté d’emblée aux manifestations des Gilets jaunes dont la taxe carbone a été le déclencheur. Cette taxe qu’il a dû suspendre pour calmer la mobilisation.
Bon gré mal gré, il a voulu reprendre la main avec le Grand débat national en mettant en avant les questions écologiques. Mais là aussi les critiques ont fusé. Pas de question sur l’alimentation durable, les déchets, une transition écologique conditionnée à la compétitivité économique… les experts ont dénoncé des formulations orientées qui n’ont, là aussi, pas su convaincre.
L'Affaire du siècle, un coup de massue
Le pire coup de massue a été porté par la mobilisation autour de l’Affaire du siècle. Alors que des marches pour le climat de plus en plus suivies ont éclaté partout en France, quatre ONG ont lancé une pétition pour dénoncer l’inaction climatique du gouvernement. En quelques semaines elle est devenue la pétition la plus populaire de l’histoire avec deux millions de signataires, accompagnée d’un recours contre l’État.
Bien sûr, il y a eu la loi sur l’économie circulaire portée par Brune Poirson ou celle sur la mobilité soutenue par la secrétaire d’État au Transport Elisabeth Born mais pendant des mois, François de Rugy n’a pas réussi à faire taire la contestation pour le climat attisée notamment par le mouvement des jeunes. Pire, fin juin, le Haut conseil pour le climat, instance pourtant créée par Emmanuel Macron a taclé les "actions insuffisantes" du gouvernement malgré des objectifs ambitieux.
Emmanuel Macron doit gagner en crédibilité écologique
"Tant que l’action en réponse au changement climatique restera à la périphérie des politiques publiques, la France n’aura aucune chance d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour cela, il faut que les mesures pour réduire les émissions deviennent une priorité nationale au cœur des décisions des acteurs public et privé", soulignait le rapport.
Avec la forte poussée des Verts aux élections européennes, Emmanuel Macron doit pourtant être crédible sur ce sujet. La prochaine étape pour le chef de l’État s’avère donc difficile : trouver un ministre de la Transition écologique et solidaire qui soit légitime et rassembleur. Mais qui s’identifie aussi à la ligne politique du gouvernement, le départ volontaire de Nicolas Hulot ayant laissé une terrible image quant à la capacité de ce ministère à pouvoir réellement changer la donne.
Marina Fabre, @fabre_marina