Publié le 04 janvier 2021

POLITIQUE

Campagne vaccinale : entre défiance de la population et frilosité du gouvernement, la France en retard

C’est la mauvaise surprise de début 2021. La France semble incapable de lancer une massive campagne de vaccination contre le Covid-19, là où de nombreux autres pays européens avancent à grand pas. Les raisons sont multiples à commencer par une logistique compliquée et une opinion publique réticente qui pousse le gouvernement à la prudence. Emmanuel Macron veut désormais accélérer et mise sur une nouvelle convention citoyenne pour convaincre.

Vaccination pfizer covid 19 Hotel Dieu SameerAl Doumy AFP
Vaccination d'une patient à l'Hôpital Dieu à paris le 2 janvier.
@SameerAl-Doumy

Le bilan n’est pas flatteur pour la France. Alors que les campagnes vaccinales ont débuté un peu partout dans le monde, l’Allemagne et l’Italie comptent déjà des centaines de milliers de personnes inoculées. Quant au Royaume-Uni, aux États-Unis ou Israël, ce sont déjà plusieurs millions. Pour la France, au matin du 4 janvier, ce ne sont que 516 personnes qui ont pu bénéficier du traitement. Un rythme ridiculement faible, qui rend l’objectif gouvernemental de 17 millions de vaccinés en juin prochain totalement irréaliste.

Plusieurs raisons expliquent l’échec de ces premiers jours de campagne. La première est d’abord logistique. Le vaccin le plus disponible actuellement, celui de Pfizer-BionTech, demande d’être conservé à -70 °C. Or de tels équipements réfrigérants ne sont pas disponibles dans tous les départements Français et l’État  a dû en commander en urgence. La deuxième raison est le processus de recueillement du consentement et d’entretien prévaccinal très - trop - précautionneux. Il peut demander plusieurs jours. Même l’Académie de médecine impute le retard français à "l'extrême prudence" du gouvernement.

Population réticente

Enfin la troisième raison est la réticence massive de la population française face au vaccin. Seule 40 % de la population est prête à être immunisée, un record mondial là où ailleurs les taux d’acceptation sont aux alentours de 80 %. S’il y a une part d’antivaccins convaincus qui seront impossibles à convaincre, la grande majorité des Français réticents a été touchée par des arguments remettant en cause l’efficacité des vaccins, leur innocuité ou l’efficacité d’autres médicaments.

Le gouvernement est bien décidé à ne pas brusquer la population hésitante et veut user de pédagogie pour convaincre. C’est bien pour cela que le vaccin n’a pas été rendu obligatoire au risque de radicaliser les plus hésitants. Toutefois Emmanuel Macron a fini par s’agacer. Lors de ses vœux du 31 décembre, celui-ci dénonçait une lenteur injustifiée. Quelques jours plus tard, le ton est monté dans une interview au JDD.

"Nous sommes sur un rythme de promenade en famille, et ce n'est à la hauteur ni du moment, ni des Français", lance-t-il. Le journal dominical rapporte des conversations privées : "Moi je fais la guerre le matin, le midi, le soir et la nuit, a martelé le président de la République lors d'échanges téléphoniques avec des interlocuteurs de tous horizons. Et j'attends de tous le même engagement. Or là, ça ne va pas […]. Ça doit changer vite et fort et ça va changer vite et fort".

Foutage de gueule

La première réponse est venue d’Olivier Véran, le ministre de la Santé, qui a annoncé un premier changement de la stratégie vaccinale avec une vaccination immédiate des personnels soignants, en parallèle des populations dans les Ephad. "J’ai demandé aux hôpitaux d'ouvrir sans délai la vaccination aux professionnels de santé libéraux de plus de 50 ans", écrit le ministre. Il annonce aussi l’ouverture de 100 centres de vaccination sur tout le territoire.

La seconde réponse est la création d’un "collectif citoyen" de 35 personnes qui va devoir juger de la stratégie vaccinale du gouvernement. Ils devront également publier un rapport en juin. Emmanuel Macron veut s’inspirer du succès de la Convention Citoyenne pour le Climat pour convaincre l’opinion. Mais la décision fait grincer des dents, que ce soit les experts ou les élus. "L'Assemblée est laissée de côté, mais pour faire croire à la démocratie on tire au sort 35 citoyennes et citoyens. C'est du foutage de gueule. Nous sommes en plein désordre démocratique", juge l'eurodéputé EELV Yannick Jadot. Jean-François Copé, maire de Meaux (LR), confirme : "Le contrôle ce n'est pas 35 Français tirés au sort (…) Il faut que ce soit les députés qui fassent ce contrôle, c'est leur métier".

Ludovic Dupin @LudovicDupin


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