Publié le 26 octobre 2020
POLITIQUE
Appels au boycott contre la France : une arme de guerre économique utilisée sur des cibles mouvantes
Le boycott de produits de consommation est une nouvelle fois utilisé pour des raisons politiques. Cette fois il l’est contre les produits français dans des pays musulmans afin de protester contre la position d’Emmanuel Macron sur les caricatures de Mahomet de Charlie Hebdo. Le pouvoir de dire non via le refus de consommer est dégainé de plus en plus souvent. Il y a quelques semaines, c’était pour protéger les Ouïghours contre les exactions chinoises.

@YasserAlZayyat/AFP
Les rayons vidés de leurs produits français de supermarchés dans les pays du Moyen Orient ont fait la Une des médias, dans les pays des appels au boycott et dans ceux qui protestent contre ces sanctions appliquées aux caddies. Le code-barres est devenu une pancarte de manifestation !
L’objectif est bien d’exercer une pression sur un acteur politique ou économique par une démonstration de force virtuelle qui cible la société de consommation dans ce qu’elle a de plus emblématique : ses produits. La France a répondu de deux façons. Sur le canal officiel, un communiqué du Ministère des Affaires Etrangères dénonce "Ces appels au boycott sont sans aucun objet qui doivent cesser immédiatement, de même que toutes les attaques dirigées contre notre pays, instrumentalisées par une minorité radicale".
We are one
Sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron a lancé un "We are one, Nous sommes tous unis" pour reprendre le mot d’ordre de U2 entonné en hommage à Samuel Paty, le professeur d’histoire assassiné pour avoir montré les caricatures, objets du boycott. Ce message est aussitôt repris avec un #WeareOne qui devient la tendance du jour sur twitter, mais pas avec les bons messages.
Nous boycotterons vos produits français pour qu'ils respectent notre Prophète, que Dieu le bénisse et lui accorde la paix pic.twitter.com/4vTQROMPZs
— Abubader2012 (@Abubader20121) October 25, 2020
La complexité de l’usage du boycott repose sur sa capacité à atteindre ou non sa cible mais aussi sur l’objectif visé. Il peut être l’élément déclencheur d’une mobilisation sur le respect des droits humains. Le sort dramatique des Ouighours, peuple musulman cible d’exactions chinoises, n’a vraiment réussi à émouvoir qu’après les appels au boycott des marques Nike ou Apple dont les sous-traitants recourent au travail forcé de cette population maltraitée.
Atteinte au chiffre d'affaires
De la même façon, les stars américaines comme Kim Kardashian ou Leonardo di Caprio ont appelé au boycott de FaceBook pour protester contre la haine en ligne. Le boycott est donc un moyen de rassembler ceux qui partagent les mêmes valeurs et une arme d’autant plus redoutable qu’elle s’attaque à la réputation d’une marque ou d’un produit en période de consommation en berne pour cause de coronavirus ! Ceci dit, pour qu’une entreprise change de stratégie à cause d’un boycott, il faut qu’une perte de chiffre d’affaires brutale et spectaculaire puisse lui être attribuée. Principal cas d’école connu Starbucks en Grande Bretagne, quand il s’est avéré qu’elle ne payait pas une livre d’impôts.
Quant à l’État français, il a décidé de ne pas dévier de sa ligne politique même si cet appel au boycott pourrait à terme se voir dans ses comptes publics à l’heure où le déficit commercial se creuse. Alors que le prix du pétrole baisse, il pourrait atteindre les 80 milliards d’euros en 2020 contre 57 en 2019. De nombreux secteurs ont beaucoup abaissé leurs exportations, comme celui des produits cosmétiques dont les ventes ont, masque oblige, reculé de 20 % !
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic